Le chant magique des Achuar

La belle découverte de Philippe Descola. Lors de son 1er séjour chez les Achuar, un peuple de la haute Amazonie, entre Equateur et Pérou, il note :

Nous avons découvert que les Achuar passaient une grande partie du temps à chanter des incantations magiques pour communiquer avec des êtres qui étaient soit très loin, soit présents mais ne parlant pas leur langue. Ces incantations s’appellent des anent, qui vient de enentai, le cœur : ce sont des discours du cœur, des discours de l’âme, chantés mentalement, ou murmurés, mais dont les paroles sont difficiles à distinguer. Ce sont des injonctions adressées à des parents ou à un conjoint éloignés (par exemple, une femme chante à son mari parti en guerre de revenir sain et sauf ; ou un homme chante s’il est fâché avec son beau-frère pour essayer de l’apaiser en lui recommandant d’être bienveillant à son égard, etc.), ou des chants d’accommodement à l’égard des plantes ou des animaux.

En découvrant l’existence de ces incantations, en les enregistrant et en les traduisant, nous avons découvert que les Achuar communiquaient constamment avec des interlocuteurs non humains qu’ils traitaient comme des personnes. (…)

Philippe Descola, Une écologie des relations, CNRS Editions

Réfléchir

Est-ce que l’appauvrissement général va enfin nous faire réfléchir plus clairement à notre nature, comme à ce qui nous appartient en propre de beau, de digne, si bien que, si nous devons mourir, nous le ferons avec une conscience plus nette, et que, si nous devons vivre, ce sera avec plus de justice.

Georges Séféris, 25 juin 1940

Voir le monde qui nous entoure

La vie intérieure est souvent stupide. Son égoïsme l’aveugle et la rend sourde; son imagination, fascinée, tisse d’ignorantes fables. Elle se dit que le vent d’ouest souffle sur elle, que les feuilles tombent à ses pieds pour des raisons bien particulières, que tous ont les yeux fixés sur elle. L’esprit risque l’ignorance totale parce qu’il veut parfois, piètre récompense, enrichir l’imagination. Ce que la raison doit faire, c’est forcer l’imagination à voir le monde qui nous entoure – ne serait-ce que de temps à autre.

Annie DILLARD, Une enfance américaine, p.36

Le présent

Il y a deux ans maintenant, j’ai découvert – au hasard de cette première matinée passée dans la belle librairie de Pierre Landry [Préférences, à Tulle], Annie Dillard. D’elle, le premier livre que j’ai lu s’intitule précisément Au présent 1. J’ai été immédiatement séduit, émerveillé ensuite plus encore par la découverte du Pèlerinage à Tinker Creek, qui est une exploration sensible et déterminante de la nature, dans son inépuisable révélation. C’est aussi l’incessante question de notre présence à ce monde qui vit, sans nous, d’une étrange vie indéchiffrable.

Annie Dillard note déjà, dans Une enfance américaine, son éveil au monde présent. Voici ce passage. Continuer la lecture de « Le présent »