La lettre au ministre

jeanne_moreauEn 2009 – il y a donc si longtemps ! – Paula Albouze, une citoyenne française, a écrit à un ministre de l’époque, disparu depuis lors de l’horizon politique, en charge d’un ministère qui a heureusement disparu lui aussi, une lettre qui a fait le tour de la toile. Elle a été présentée par A. Mnouchkine à la Cartoucherie, elle est lue ici par Jeanne Moreau. Si je la publie à mon tour, aujourd’hui, c’est pour qu’on se souvienne de cette lettre admirable. Elle rend justice à l’humanité. Aujourd’hui encore, la devise de la République, Liberté, Égalité, Fraternité, reste de l’ordre du projet. C’est pourquoi cette lettre est devenue intemporelle, son actualité ne se dément pas.

Ecoutez:

La servitude volontaire

Pour le moment, je désirerais seulement qu’on me fît comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a de puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a pouvoir de leur nuire, qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal, s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui, que de le contredire.

Étienne de LA BOETIE, Discours de la servitude volontaire

et en écho, la pertinence de cette note de Günther ANDERS:

Notre obéissance est d’autant plus grande que nous sommes sûrs de notre illusion de la liberté.


Je complète, un peu plus tard [septembre 2011].

Beccaria le disait admirablement, il y a fort longtemps: « Les esprits des hommes, comme les fluides, se mettent toujours au niveau des objets qui les entourent. » On mesure la réussite d’une idéologie non pas à ce qu’elle parvient à imposer aux esprits, mais à ce qu’elle n’a pas besoin de leur imposer parce qu’ils le font désormais spontanément.

Christophe CARRAUD, Une gêne, Conférence n°32, p.320

L’espace intérieur

Comment être pensé par la nature.

C’est comme s’il y avait une merveille constante autour de nous dans la nature, mais qui ne peut être touchée réellement… Qui peut être observée tout le temps, mais qui ne peut être touchée réellement que dans l’espace intérieur qui est en nous, qui est beaucoup plus immense qu’on ne l’imagine ; la nature ne peut correspondre à cet espace intérieur qu’à l’improviste, par surprise, tout à coup. Et il faut laisser un rythme physique avec la marche, le pied, le souffle, la respiration et puis l’esprit en même temps, libre par rapport à cela. Regarder, détailler le monde sans insister, pouvoir s’en apercevoir. (…)

Maurice CHAPPAZ, A-Dieu-Vat, Entretiens avec Jérôme Meizoz, p. 99

Les écluses de l’inachevé

Jean SUR explique quelque part que le pouvoir – qu’il appelle cette crispation prétentieuse et puérile du moi n’est, précisément, rien. Il faut donc abandonner le pouvoir, la crispation, pour la liberté du lâcher prise et de la confiance. Le pouvoir empêche l’accès au monde et l’accès à soi-même. Il parle de rouvrir les écluses de l’inachevé et du mystère. Au-delà de la formule, un programme ! qui est magnifique.