Je danse

Fin mai 2014, je danse avec Thierry Heynderickx et Martha Rodezno. Dès les premières minutes de ces trois jours d’atelier, un grand moment de reconnaissance. Je m’y retrouve, presque étonné de cette soudaine fraternité ou comment leur projet commun et leur travail sur le mouvement, sur l’expressivité, sur les émotions, sur l’intime, rencontrent mon projet et le travail que je mène depuis des années avec les chanteurs. Il est question du même mouvement, de la même dynamique, de la même recherche…

Nous sommes quelques stagiaires, danseuses et danseurs, et d’autres, musiciens, thérapeutes. Beaux moments de découverte, d’échanges, de drôlerie, de vérité, de confiance en somme. Nous travaillons sur mouvement/immobilité; silence/son; intériorité/extériorité; solo/collectif, toujours dans la recherche de l’authenticité – autant que possible, du geste, de la posture, du regard, de la voix, du mouvement. Tout est dans le lien: lien à soi, lien aux autres, lien à ce qui nous entoure, nous englobe, nous pénètre: l’air, la lumière, les sons extérieurs familiers ou étranges, la chaleur des corps. C’est un tissage du lieu, du temps qui forme la trame de notre danse.

Très beaux moments de découverte bienveillante. L’attention est centrée sur la pensée positive. La pensée d’un encouragement de moi à moi, sur ce que je peux faire, ce que je sais faire, même déjà depuis/dans le moment de l’écoute immobile. Positive aussi dans le déploiement des possibles : ce que je n’ai pas encore fait, ce que je n’ai pas encore réussi à faire, les chemins encore inexplorés, ce qui reste à faire, ce qui reste ouvert. Je m’appuie sur mon expérience – un passé individuel et collectif, et construis un futur de même. Grande importance du collectif, même dans le solo, qui se déploie sous le regard (bienveillant) des autres. Continuer la lecture de « Je danse »

Les cataclysmes intérieurs

A la page 37 de ce captivant petit récit de Michaël Ferrier (Kizu [La lézarde], éditions Arléa), je note quelques lignes qui éveillent un écho dans le cahier que je remplissais il y a de nombreuses années.

Sans doute avons-nous tort, lorsque nous parlons de notre vie, de n’en retenir que la face la plus visible, les arêtes tranchantes, les épisodes dramatiques ou spectaculaires. Nous privilégions ce que tout le monde peut voir, ce qui est évident. Il faudrait pouvoir descendre dans l’épaisseur des jours, passer de l’autre côté de l’existence, sous l’écume des phénomènes. Etablir avec patience et minutie le décompte des séismes intérieurs, tenir le répertoire des cataclysmes inaperçus.

J’aime ce calme et patient recensement des tremblements du coeur, des sens et de l’esprit. Notre vie s’y retrouve toute entière.

L’intime

L’impression que c’est juste a à voir avec l’intimité. Ça résonne. Les prémisses, les contenus, les moyens mis en œuvre, la technique employée, tout concorde. Tout s’installe avec exactitude et précision. A posteriori, tout était nécessaire. Tout s’enclenche, non seulement dans l’objet lui-même, mais aussi dans son rapport à soi.

Catherine ZASK, dans son exposition à la Galerie Anatome (Paris), en mai 2004.

La gorge, l’intime

L’humanisme de Rabelais reprend au fond tous les points faibles de l’humain et, au lieu de les arrêter en quelque économie de la faute et du salut, en montre la profonde fécondité dans la relation à soi et aux autres. Et peut-être n’a-t-il jamais été aussi rigoureux que lorsque dans sa lignée gigantale, il a identifié la gorge comme le point le plus sensible et le plus résonnant de l’être humain. « Pantagruel les prend à la gorge », c’est le trait le plus constant de la légende de Pantagruel avant même le roman rabelaisien. Après le travail d’élaboration du Maître chinonais, la gorge, qui est à la fois attente du Graal et point géométral de tout le cosmos, s’associe à un mot universel, TRINCH, « trinque », aux lettres susceptibles de toutes les permutations kabbalistiques, et c’est à cette gorge ouverte à la libre circulation entre le haut et le bas que reviendra la charge d’articuler le cri primordial, celui qui unit les hommes partageant la souffrance et le plaisir, invoquant Dieu dans toutes les langues du monde et accédant à la contemplation de la Nature dans toutes ses forces invisibles.

Bruno PINCHARD, Un tour du monde avec Rabelais, Dossier de l’ISH.

Intéressant, éclairant toujours, … pour les praticiens de la gorge ! J’ai « mal à la gorge » ? « Voix de gorge », « à gorge déployée », « la blancheur de votre gorge », … C’est l’intimité  qui est déployée. Ce qui explique aussi les pudeurs, les craintes, les angoisses, … dans la pratique vocale.

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