Etre quelqu’un d’autre

Ce n’est pas par hasard que la formulation « être acteur » est ambigüe, polysémique. Pour être un acteur, il faut d’abord être acteur de sa propre vie, de son propre rôle, donc y être actif. C’est le travail personnel, l’engagement, la posture, …. La pratique artistique est celle d’un acteur/actif. Tout à la fois, il est manifeste que la posture du chanteur/interprète est bien à l’identique de celle de l’acteur/comédien. Comme l’écrit Richard Powers, il s’agit d’être soi-même et quelqu’un d’autre ; quelqu’un d’autre en plus de soi-même. Donc, être capable d’excéder sa singularité, en « comprenant » l’autre, au sens fort du mot compréhension, dans l’attention extrême, l’intégration du son et du sens.

Tu dois devenir le porte-parole, l’instrument d’un autre. Un autre avec ses peurs, ses besoins, différents des tiens. Si tu te renfermes sur toi-même alors l’art peut aller se faire foutre. Si tu n’es pas capable d’être quelqu’un d’autre en plus de toi-même, ce n’est même pas la peine d’envisager de monter sur scène.

Richard POWERS, Le temps où nous chantions, p. 424

L’intime

L’impression que c’est juste a à voir avec l’intimité. Ça résonne. Les prémisses, les contenus, les moyens mis en œuvre, la technique employée, tout concorde. Tout s’installe avec exactitude et précision. A posteriori, tout était nécessaire. Tout s’enclenche, non seulement dans l’objet lui-même, mais aussi dans son rapport à soi.

Catherine ZASK, dans son exposition à la Galerie Anatome (Paris), en mai 2004.

Le rôle des comédiens

J’observe et j’écoute avec attention la réalisatrice Solveig ANSPACH sur Arte le 13/07/2004. Elle parle du théâtre, de la création artistique. Elle en parle très bien, avec beaucoup de sensibilité et d’intelligence. Elle dit : Il est difficile de traverser la vie comme en portant un plateau chargé de verres. 

Mais c’est précisément le rôle des comédiens, cette urgence, cette fragilité, et le mouvement de traverser notre vie/leur vie avec ce risque.

Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.