Le calligraphe

Le calligraphe relie le souffle qui l’anime à celui qui anime la substance des signes qu’il trace ; il entre en osmose avec l’essence des choses. En exprimant la vérité des choses, il exprime la sienne. Le pinceau, véritable «sismographe», enregistre le moindre frémissement de sa main, qui traduit ce qui vient de la profondeur de son être, sa véhémence, sa tendresse, sa sensibilité aussi bien charnelle que spirituelle, ses besoins de rectitude comme d’élan, de rigueur comme de grâce. Au plus haut de sa réalisation, il lui sera donné d’intégrer la grande rythmique universelle. La pulsion de l’homme rejoint là la pulsation du monde.

François CHENG et Alain REY, Dialogues, p.16

Bien respirer !

Pierre Alechinsky raconte son premier voyage au Japon. Il avait 27 ans. Jeune peintre, il était fasciné par la calligraphie japonaise et voulait rencontrer les maîtres de l’art. Lors d’une de ces rencontres, il interroge le calligraphe : quel conseil peut-il lui donner ? a-t-il un secret pour pratiquer cet art ? La réponse que reçut Alechinsky lui parut, dit-il, dérisoire de prime abord. Le maître lui dit : « il faut seulement être bien assis et bien respirer. » J’aime cette leçon – qui n’a rien de dérisoire, comme le peintre l’a compris par la suite : dans sa simplicité, et dans l’attention qu’elle porte à deux éléments essentiels – la posture et le souffle, elle est parfaitement adaptée à l’art du chanteur.