A little bit less

Dans ses Mémoires, le metteur en scène Billy Wilder rapporte une anecdote à laquelle il avait assisté. George Cukor tournait la scène d’un monologue interprété par Jack Lemon jeune (1954). Après la première prise, Cukor le félicite et lui demande de reprendre sur un ton moins appuyé, « a little bit less« .

On tourne à nouveau la scène et Cukor le félicite une fois de plus, mais il lui demande encore de refaire le monologue avec un peu moins de pathos, « a little bit less« . Cukor fait répéter dix fois le monologue à Lemmon, toujours avec la même recommandation.

A la onzième prise, Lemmon dit: « Pour l’amour du ciel, monsieur Cukor, à ce rythme-là je n’arriverai plus du tout à la jouer. »
« C’est ça, maintenant vous avez compris l’idée », répondit Cukor.

Erri De Luca & Alessandro Mendini, Diables gardiens, p.73

C’est, à nouveau, la recommandation: « pas de gras ».

Écouter le monde

(…) Les trois hommes [Proust, Freud et Spinoza] apportent précisément le maillon qui manque, dangereusement, au bel énoncé liant interpréter le monde et le transformer: l’écouter. Écouter la musique des êtres, leurs rêves, leurs angoisses, leurs combats. Leur refus de se laisser asphyxier par le monde de la valeur. « Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas haïr, mais comprendre », écrit Spinoza dans son Traité de l’autorité politique. Entre interpréter et comprendre, il semble n’y avoir qu’une nuance. Elle est décisive, c’est toute la différence entre signification et sens.

Max DORRA, Quelle petite phrase bouleversante au cœur d’un être ?, p. 285