Je danse

Fin mai 2014, je danse avec Thierry Heynderickx et Martha Rodezno. Dès les premières minutes de ces trois jours d’atelier, un grand moment de reconnaissance. Je m’y retrouve, presque étonné de cette soudaine fraternité ou comment leur projet commun et leur travail sur le mouvement, sur l’expressivité, sur les émotions, sur l’intime, rencontrent mon projet et le travail que je mène depuis des années avec les chanteurs. Il est question du même mouvement, de la même dynamique, de la même recherche…

Nous sommes quelques stagiaires, danseuses et danseurs, et d’autres, musiciens, thérapeutes. Beaux moments de découverte, d’échanges, de drôlerie, de vérité, de confiance en somme. Nous travaillons sur mouvement/immobilité; silence/son; intériorité/extériorité; solo/collectif, toujours dans la recherche de l’authenticité – autant que possible, du geste, de la posture, du regard, de la voix, du mouvement. Tout est dans le lien: lien à soi, lien aux autres, lien à ce qui nous entoure, nous englobe, nous pénètre: l’air, la lumière, les sons extérieurs familiers ou étranges, la chaleur des corps. C’est un tissage du lieu, du temps qui forme la trame de notre danse.

Très beaux moments de découverte bienveillante. L’attention est centrée sur la pensée positive. La pensée d’un encouragement de moi à moi, sur ce que je peux faire, ce que je sais faire, même déjà depuis/dans le moment de l’écoute immobile. Positive aussi dans le déploiement des possibles : ce que je n’ai pas encore fait, ce que je n’ai pas encore réussi à faire, les chemins encore inexplorés, ce qui reste à faire, ce qui reste ouvert. Je m’appuie sur mon expérience – un passé individuel et collectif, et construis un futur de même. Grande importance du collectif, même dans le solo, qui se déploie sous le regard (bienveillant) des autres.

Le travail est linéaire, progressif, prudent, attentif, depuis les micro-mouvements des épaules, du dos, des bras, de la taille, de la tête, … jusqu’aux élans les plus amples, la direction donnée et arpentée à larges enjambées.

Le travail s’articule autour de l’attention vs l’intention. L’attention : au récit personnel, intime ; mais aussi au collectif (dans les improvisations), l’écoute (les yeux fermés, à l’aveugle), dans la confiance. L’attention à ce qui émerge, surgit, aux « idées sensibles ».

L’intention : dans le geste, la direction, l’adresse.  Le geste répond à une nécessité, à une intention, à une urgence, cohérente avec l’attention. Il n’est pas neutre, pas vide, pas gratuitement démonstratif. Et l’absence de mouvement est déjà un mouvement. Le silence est déjà un son.

Chaque mouvement, chaque son, peut partir de/arriver à un point d’appui. Il s’agit donc bien d’un trajet – le trajet répond à mon intention. Le vide est habité, il est plein. Le point d’appui n’est pas purement esthétique ou formel: il est le moyen de reprendre contact avec l’intime, le plus authentiquement possible. Ce point d’arrêt – spatial et temporel, est une source extraordinaire de sensations, d’émotions, ouvrant la possibilité d’un renouvellement intarissable. Les analogies avec le travail musical sont évidentes.

L’expérience est d’une considérable vitalité.