Chercher l’Autre en soi

(…) ce que Breton nomme ce « complot de forces obscures qui mène à se croire quelque chose d’aussi absurde qu’une vocation ». A quoi il ajoute: « On écrit pour chercher des hommes et rien de plus ». La lecture de cette phrase confirma en moi ce que je commençais à pressentir: on n’écrit pas pour être connu, admiré, adulé et rien n’est plus absurde et méprisable que l’ambition littéraire. On écrit pour connaître les inconnus qui puisent aux mêmes sources d’exigences et de jouvences, pour chercher l’Autre en soi (et peut-être le Soi des autres), et aussi pour « s’ajouter au monde » selon la belle expression de Jean Giono, ce qui est l’exact antipode de l’ambition littéraire. Personnellement, j’ajouterai que j’ai aussi le sentiment d’écrire pour augmenter le mystère du monde et non pour le résoudre, tâche qui incombe davantage aux savants qu’aux poètes.

Jacques LACARRIERE, Chemins d’écriture, p.24-25

Mon commentaire:
voilà d’un honnête homme; contre le flot des livres qui ne portent témoignage que d’eux-mêmes, dans l’aveuglant faisceau des ambitions ridicules.

Mettre la distance

Écrire met une distance entre soi et ses actes. Une distance plus nette qu’entre l’acte et sa formulation verbale. On pourra alors examiner de manière plus objective ce qui a été formulé. Y revenir, corriger, dans le sens de son choix, s’y référer. Apporter au besoin quelques retouches pour en faciliter l’accès, ou mieux en dégager le sens. Écrire permet de s’écarter de sa propre pensée, de la commenter, d’en améliorer la forme, d’en aggraver le fond. Les mots ne sont plus des signaux auditifs fugaces mais des objets durables. Ce que nous produisons ensemble est de l’ordre de la recherche, de l’esquisse hésitante, imparfaite. Nous avons tous conscience que ces travaux ne sont pas des marchandises, que nous travaillons à l’élaboration et au partage des signes et du sens, et non à celle du monde économique.

Jacques SERENA, Maison des écrivains, cité par Remue.net

Transfer !

Au Théâtre du Nord, à Lille, ce 22 mai 2009.
Texte et mise en scène de Jan Klata (Pologne) – en allemand et en polonais.

Il est important de dater l’événement parce que, d’ici très peu de temps, cette pièce de théâtre – mais est-ce du théâtre ? – ne pourra plus être montée.  Les 10 personnages principaux sont les acteurs de leur propre histoire. Ils témoignent, à leur tour, de leur enfance et de leur jeunesse dans cet espace incertain de la Pologne de la fin de la 2e guerre mondiale. A Yalta, la modification des frontières de la Pologne est décidée par les trois grandes puissances, et le sort de populations entières est scellé: les habitants de l’est du pays, annexé par les Soviétiques, iront occuper les maisons, les fermes, les commerces des Allemands chassés de cette Prusse orientale qui devient, de facto, la partie ouest de la Pologne.

Le spectacle ouvre un espace de mémoire possible, dont nous sommes requis d’écouter le récit terrible. L’émotion est liée à la réelle présence de ces 10 « grands témoins » et à l’irrépressible nostalgie qui nous envahit à l’évocation des bonheurs disparus.

Ilse Bode, Angela Ubrich, Karolina Kozak, Hanne-Lore Pretzsch, Dietrich Garbrecht, Matthias Göritz, Jan Kruczkowski, Zygmunt Sobolewski, Jan Charewicz et Andrzej Ursyn-Szantyr.

Hommage leur soit rendu.

Révélation, dévoilement, …

Je suis bouche bée devant l’extrême concomitance de ce qui est écrit et de ce qui jusqu’à présent m’a paru indicible, trop intimement enfoui dans les sensations les plus confuses. C’est à la fois une révélation personnelle et universelle, effraction brutale de ma propre intériorité, et dévoilement de l’humaine condition. Je crois devenir fou d’intelligence sensible, le cœur traversé de mille intuitions nouvelles.

Denis PODALYDES, Voix off, p. 19-20