Chercher l’inespéré

Cynthia FLEURY, 35 ans, est philosophe, professeur à l’IEP et à l’Ecole Polytechnique de Paris.

Dans une interview donnée au Monde.fr, le 23 octobre 2010, elle plaide en faveur d’un compromis démocratique.

Elle souligne que ce serait une erreur de considérer que les élites – issues du pouvoir représentatif – sont seules légitimes. « Dans les démocraties modernes, il y a d’un côté des citoyens éclairés, des citoyens responsables, et de l’autre des élites éclairées, des élites responsables. Le dénigrement systématique ne mène à rien. La démocratie, ce n’est pas la réciprocité des mépris. »

J’admire l’intelligence et la clairvoyance de cette jeune femme. Et son engagement quand elle affirme la nécessité, pour sortir des crises dans lesquelles nous nous trouvons, de ré-inventer la démocratie. Elle cite cette très belle phrase d’Héraclite: Si tu ne cherches pas l’inespéré, tu ne trouveras rien.
Elle note, comme le fait Bernard Stiegler à sa manière [voir Ars Industrialis], que nous faisons face à une exigence de pluralité et de complémentarité des légitimités, à un impératif d’invention démocratique. Aujourd’hui, les réseaux – de trans-individuation selon le terme utilisé par Stiegler, sont des outils extraordinairement créatifs, productifs, pour alimenter une production collective, plurielle, de la raison publique et du pouvoir d’Etat. Fleury dit croire aux majorités qualifiées citoyennes qui peuvent surgir de ces réseaux sociaux, et renouveler notre exercice de la démocratie.

Rolling Stones

J’ai dévoré, dans un mouvement de lecture hallucinatoire, le très beau Rolling Stones, une biographie, par François BON (disponible en livre de poche depuis 2004).

La vie que ces gars ont menée, cette folie complète qui entraîne des jeunes à peine sortis de l’adolescence dans la provocation, la drogue, les manoeuvres irresponsables, a quelque chose de terrifiant. On se dit que, effectivement, ils ont manqué de tout: d’éducation, de formation, d’outils de pensée. Cela ne les a pas empêchés d’avoir du génie, mais toute leur vie en est marquée. Alors, ce qui les dépasse, au-delà de toutes les turpitudes, parfois fatales, dans lesquelles ils sont entraînés, ce qui excède le cadre affligeant de leurs vies personnelles, c’est la musique. Même si cette musique se charge des scories de leurs dérives, elle reste et revient avec l’utilisation renouvelée, inventive, extraordinairement moderne, des thèmes du blues du vieux sud américain, qui nous écrasent de nostalgie. La solitude, l’angoisse, la terreur des enfants abandonnés, la crainte et la violence cachée, tout y est. Il y a autant de souffrance dans les stridences des amplis poussés à fond que dans la voix des vieux bluesmen.

Nostalgie de la lumière

Le spectre des étoiles, tel que les énormes télescopes des observatoires installés dans l’immense désert d’Atacama au Chili peuvent le capter et l’illustrer, marque clairement la présence du calcium, aux confins de notre univers. Ce même calcium qui forme notre squelette et constitue les os blanchis des cadavres éparpillés par la dictature militaire, pour qu’on ne les retrouve jamais. Le film de Patricio Guzmàn est un hommage à cette quête du passé – d’un passé très lointain, infiniment lointain, des extrémités, et celui – occulté, oublié, honteux, .. des victimes de la dictature, disparus par milliers. Ce film est de toute beauté.

Nostalgie de la lumière, la bande annonce