Le désir

Dans notre pratique artistique amateur, en tant que pratique collective, j’oppose depuis longtemps la logique de désir à la logique de plaisir. Les « usagers » d’un service réclament leur dû, en mesure de satisfaction (ne sont-ils pas des « clients » ?). Par contre, les « praticiens » – j’emprunte ces termes à Bernard Stiegler – en sont eux-mêmes les acteurs, mis en mouvement (« motivés » au sens propre) par leur désir. Avec des « usagers », il n’y a pas de création possible, et le plaisir reste mercenaire et compulsif (Jean Sur a ce mot: le « tout-à-l’ego »). Avec des « praticiens », tout est réalisable.

Gilles DELEUZE, dans les entretiens qu’il a eus avec Claire Parnet1, évoque le désir. Il dit notamment ceci : le désir ne s’applique pas à une personne, à un objet. Plus encore: je ne désire pas un ensemble, mais dans un ensemble.Tout désir coule dans un agencement. Désirer, c’est construire un ensemble, un agencement, une région. Il évoque Proust: ce n’est pas une femme que je désire, c’est le paysage qui l’/qu’elle enveloppe.

Les deux aspects me sollicitent : d’une part, l’agencement, l’ensemble; d’autre part, au-delà de la métaphore, la spatialisation, l’ancrage dans un « paysage ».

  1. Abécédaire, DVD Editions Montparnasse