Pas de gras

Elle est magnifique, la voix de Florence Delay qui incarne, toute jeune comédienne, Jeanne d’Arc dans le film de Robert Bresson. Et très émouvant l’hommage de Marcel Bozonnet qui, à l’écoute d’un extrait1, dit à quel point cette voix le touche. Il dit combien ce qu’il ne veut pas appeler la diction, mais la manière de parler de Florence Delay est admirable: pas de pathos, « sans gras », elle va droit au sens, avec cette légère précipitation dans le débit qui file, direct, …

Je me dis, immédiatement, à l’écouter elle, à l’écouter lui ensuite, que c’est exactement « ça »: l’idéal de l’interprétation, en lecture, en musique. Aussi près que possible des mots. Rien que « ça ».
Mais, de l’expérimenter, de le travailler longuement, je mesure à quel point c’est difficile. Florence Delay ajoute, tout à la fin de l’émission, que pour elle le mot de la langue française le plus difficile à dire est le mot « oui ».

J’ajoute [ce 1er février 2013] ceci.

David-Bailey-Four-beats-to-the-bar-and-no-cheatingDavid Bailey – le fameux photographe anglais – posait la question à Count Basie: What’s jazz ? Et Basie lui répond: Four beats to the bar and no cheating.2 Voilà. Et, comme l’explique Bailey, ma question ne portait pas que sur le jazz, c’était au fond, qu’est-ce que c’est, l’art ? Et Basie a cette admirable réponse de toute simplicité: Quatre temps pour la mesure et pas de triche !

En d’autres mots, l’artiste est nu, il n’y a rien à ajouter. Pas possible de tricher.

  1. Dans l’émission du matin sur France Culture, le 13 juin 2012.
  2. Ce sont ces mots qui donnent son titre au film que Jérôme de Missolz a consacré à D.Bailey. Arte Editions, 2009