Attendre

Que faire, sinon attendre, espérer malgré tout, se souvenir de ce qui se passe en nous de profondément inconnu, mais exigeant. Cette énigme tenace, cette réserve éblouie, cette familiarité dont nous ne saurons rien, sinon qu’elle nous restitue ce qui nous est étrange.

Jean-Claude PIROTTE, Boléro, p.97

Sous le marronnier de Combray

Beaux après-midis du dimanche sous le marronnier du jardin de Combray, soigneusement vidés par moi des incidents médiocres de mon existence personnelle que j’y avais remplacés par une vie d’aventures et d’aspirations étranges au sein d’un pays arrosé d’eaux vives, vous m’évoquez encore cette vie quand je pense à vous et vous la contenez en effet pour l’avoir peu à peu contournée et enclose – tandis que je progressais dans ma lecture et que tombait la chaleur du jour – dans le cristal successif, lentement changeant et traversé de feuillages, de vos heures silencieuses, sonores, odorantes et limpides.

Marcel PROUST, Du côté de chez Swann, La Pléïade I, p.88

From Grand Central to Irvington on Hudson

Le dimanche 28 mars 2010, une fin d'après-midi, froid et pluvieux. Je fais, une nouvelle fois, le trajet entre la gare de Manhattan, Grand Central, et le village de Irvington, au bord de l'Hudson.

Le long du fleuve, le train de la MTA s'arrête dans toutes les gares - Spuyten Duyvil, Riverdale, Ludlow, Yonkers, Dobbs Ferry... dont les noms trahissent l'origine lointaine, de l'autre côté de l'Atlantique, dans le vieux continent.  Le ciel est gris et sombre, il n'y a que quelques voyageurs sous les lampes claires des compartiments. J'enregistre des images.

 

 

Miroslav Tichy

Mars 2010. NY. C'est ma première visite à l'International Center of Photography, petit musée/galerie moderne, au croisement de l'avenue des Amériques et de la 43e rue.

J'y découvre une très belle exposition des photos de Miroslav Tichy. Assis dans une petite salle obscure, je suis captivé par le film qui présente l'artiste. Sa fascination pour les femmes. Prises en photo - fantasmatiquement capturées - avec des appareils de fortune, le plus souvent confectionnés par Tichy lui-même, personnage d'artiste intriguant, dérangeant. Sous le régime communiste, il était régulièrement arrêté par la police de sa petite ville de Tchécoslovaquie, pour trouble à l'ordre public, notamment lors des célébrations du 1er mai. On le mettait au frais, en prison ou à l'hôpital psychiatrique voisin. Pathétique clochardisation de l'homme. Aujourd'hui, il est reconnu dans le monde entier (expositions à Paris, Zürich, Sidney, NY, ...).

Étrange destin de cet homme qui a continué a travailler dans le plus grand dénuement, que l'on voit vivre aujourd'hui presque comme un clochard manifestement en grande détresse, dans un grand abandon physique, et qui nous offre cependant une véritable vision d'artiste, profondément émouvante, d'une nostalgie folle.