Eloge de l’insécurité

Si je veux être en sécurité, c’est-à-dire protégé du flux de la vie, je veux être séparé de la vie. Néanmoins, c’est ce véritable sentiment de séparation qui m’empêche de me sentir en sécurité. Être en sécurité signifie isoler et fortifier le » je », mais c’est justement la sensation d’être un « je » isolé qui me fait me sentir seul et m’effraie. En d’autres termes, plus je serai en sécurité, plus j’en aurai besoin.

Pour le dire encore plus clairement : le désir de sécurité et le sentiment d’insécurité sont la même chose. Retenir sa respiration revient à perdre son souffle. Une société fondée sur la quête de la sécurité n’est rien d’autre qu’une compétition de rétention de respiration, dans laquelle chacun est aussi tendu qu’un tambour est aussi rouge qu’une betterave. Nous recherchons cette sécurité en nous fortifiant et en nous enfermant de toutes sortes de manières. Nous voulons nous protéger en étant « exclusif » et « spécial », nous cherchons à appartenir à l’église la plus sûre, à la meilleure nation, à la plus haute classe, à la bonne coterie et aux gens « comme il faut ».

Ces défenses nous divisent, et mènent donc à davantage d’insécurité nécessitant davantage de défenses. Évidemment, tout cela est pétri de la certitude de sincère que nous nous comportons bien et vivons de la meilleure manière ; mais cela aussi est une contradiction.

Alan W.Watts, Eloge de l’insécurité (cité sur Périphéries)

La relation de soin

Le soin, le souci, l’attention, sont autant de notions qui résument une norme forte du rapport à l’autre; elles semblent porter en elles-mêmes leur signification morale mais, au-delà de cette évidence, il y a aujourd’hui un courant philosophique qui fait de ces notions, et tout particulièrement de la notion de soin, le socle d’une morale radicalement nouvelle, qui serait au-delà de la morale des règles, de la morale des responsabilités ou de la morale des vertus. L’enjeu est de placer, à côté de l’armature de la philosophie morale, une relation de soin fondatrice du rapport à l’autre et fondatrice du rapport à soi. A l’origine d’une morale, mais également d’une politique.

France Culture, émission du 22/11/2012, Monique Canto-Sperber reçoit Frédéric Worms (professeur à Lille III): Que veut dire une éthique du soin ?

Un engagement politique

Depuis longtemps, j’ai acquis la conviction et j’ai vu se confirmer que la pratique artistique, singulièrement la pratique musicale collective, est une forme d’engagement politique, bien au-delà d’une simple acquisition technique dans le développement d’une virtuosité personnelle.

Engagement politique ? vraiment ? J’ai pu penser qu’il s’agissait d’abord d’un engagement éthique, mais je persiste aujourd’hui à le voir comme un véritable engagement politique, au sens du vivre ensemble. A.Negri disait que c’est l’action qui constitue le commun. La musique d’ensemble, en commun, a donc un rôle à jouer, un rôle politique et social. Elle est le témoignage actif de notre capacité à « sortir du cadre », à vivre une expérience qui ne peut être que collective, à toucher une dimension unique de notre humanité. Elle est la manifestation de notre façon de vivre ensemble, de créer du lien, d’établir et de conforter le sens – comme direction et signification.

Je revendique un parti pris. Continuer la lecture de « Un engagement politique »