La drôlesse

En 1979, j'ai vu - sur l'écran d'une minuscule télévision Sony en noir et blanc, le film de Jacques Doillon, La drôlesse. J'étais chez mes parents, à Profondeville, quelques semaines avant de partir à Zagreb pour une année d'études. J'ai le souvenir précis de l'émotion qui m'a saisi ce soir-là. Le film était diffusé en toute fin de soirée, la maison était endormie, j'étais seul et je découvrais Doillon dont je ne savais rien. Et je suis resté plus seul encore dans la nuit et bouleversé par la dernière scène du film: On dirait que je suis morte.

Vingt-cinq années plus tard, je tombe sur l'édition du coffret de DVDs consacré aux films de l'enfance: La drôlesse, Ponette, Un sac de billes, La vie de famille (MK2, 2004). Je retrouve La drôlesse. Et l'immense émotion que ce film avait soulevée en moi. Soudain plus forte encore en voyant, dans les bonus du DVD, l'interview de Dominique Besnehard, qui à l'époque - avant de jouer le rôle de l'instituteur - avait été chargé de trouver les interprètes du film. Il raconte la découverte de "Mado", la jeune "drôlesse" , dans une école de village. Il parle de sa famille, de son histoire et puis - à ma grande stupéfaction - de sa mort. Et c'est le choc, de découvrir tout à coup que la réalité a rejoint la fiction: Mado est partie, dans la réalité, comme elle voulait le faire tendrement croire dans l'histoire. Mais elle n'a pas fait "comme si". Elle est morte pour de vrai, bêtement, par manque de soins, d'une leucémie foudroyante. Son absence signe une perte irrémédiable.

Retour en Normandie

hebertDans son Retour en Normandie, Nicolas Philibert revient 30 ans plus tard sur les traces de René Allio qui avait tourné, dans cette campagne de la Suisse normande, le fameux  Moi, Pierre Rivière, …. A l’époque, tous les acteurs principaux avaient été recrutés parmi la population locale. Un jeune homme timide et renfermé avait obtenu le rôle du fameux assassin, Pierre Rivière. Ce jeune homme était Claude Hébert. Quelques années plus tard, il était le jeune kidnappeur de La Drôlesse, de Jacques Doillon, un des films les plus émouvants que je connaisse. Après quelques années passées à Paris, il avait renoncé au théâtre et au cinéma. N.Philibert le cherchait et raconte dans son documentaire comment il a recueilli, à son sujet, les témoignages les plus contradictoires: on le disait mort, certains disaient l’avoir vu en Normandie quelques semaines plus tôt, d’autres racontaient qu’il était parti au Canada, qu’il vivait dans les îles,  … Et puis, Claude Hébert réapparaît. Après avoir émigré dans une communauté au Canada, il est devenu prêtre et il est aujourd’hui missionnaire en Haïti. Il parle de sa foi et de son expérience du théâtre. Celui qui parle est loin du jeune homme étranger au monde qui tenait un journal d’introspection: c’est un homme épanoui et apaisé.  Parcours intéressant, riche et émouvant témoignage de vie, quand on les place sous l’éclairage de ces deux rôles impressionnants.1

retourennormandie

N. Philibert, qui avait été assistant sur le tournage de Moi, Pierre Rivière, … rend un très bel hommage filial à René Allio et à tous ces acteurs amateurs, anonymes, qui ont joué ce drame.

Le film est disponible sur www.universciné.com