Un impossible exil

Jean Sur cite Fernando Pessoa. C’est d’une brûlante actualité, d’une impérieuse évidence.

J’ai l’impression de vivre, dans cette patrie informe appelée univers, sous une tyrannie politique qui, sans m’opprimer directement, offense cependant quelque principe caché de mon être. Alors descend en moi, lentement, sourdement, la nostalgie anticipée d’un impossible exil.

Etre un hôte

Être un hôte (客), c’est être un objet (客体). La langue japonaise ignore les notions de sujet et d’objet. Aussi fallut-il créer des mots nouveaux à partir d’idéogrammes chinois. Le mot employé pour « sujet », shutai (主体) se compose du signe renvoyant à l’hôte donnant l’hospitalité (主) et de celui signifiant « corps » (体). Pour moi le sujet est donc le corps de celui qui accorde l’hospitalité. L’objet, lui, ressemble au corps de l’hôtesse recevant l’hospitalité.

Yoko Tawada, Trois leçons de poétique, p. 56

L’étranger

L’étranger, qui est-ce ? Il n’y a pas ici de définition suffisante. Il vient du dehors. Il est bien accueilli, mais selon les règles auxquelles il ne peut s’astreindre et qui de toute manière le mettent à l’épreuve – au seuil de la mort. Lui-même en tirera la « morale » qu’il exposera à de nouveaux venus: « Vous apprendrez aussi qu’il n’est pas facile de cesser de l’être. Si vous regrettez votre pays, vous trouverez ici chaque jour plus de raisons de le regretter; mais si vous parvenez à l’oublier et à aimer votre nouveau séjour, on vous renverra chez vous où, dépaysé une fois de plus, vous recommencerez un nouvel exil. »

Maurice Blanchot, Après coup, pp. 94-95 < Cité par J.F. Rey in Altérités [Les RV d’Archimède, 1998] p. 27

Nous sommes les innombrables

Ecoutez ici [la voce di Ivo di Palma]: GLI INNUMEREVOLI

Siamo gli innumerevoli – raddoppia ogni casella di scacchiera – lastrichiamo di corpi il vostro mare per camminarci sopra; non potete contarci: se contati aumentiamo, figli dell’orizzonte che ci rovescia a sacco. Nessuna polizia può farci prepotenza più di quanto già siamo stati offesi. Faremo i servi, i figli che non fate, le nostre vite saranno i vostri libri di avventura. Portiamo Omero e Dante, il cieco e il pellegrino, l’odore che perdeste, l’uguaglianza che avete sottomesso. Da qualunque distanza arriveremo a milioni di passi, noi siamo i piedi e vi reggiamo il peso. Spaliamo neve, pettiniamo prati, battiamo tappeti, raccogliamo il pomodoro e l’insulto. Noi siamo i piedi e conosciamo il suolo passo a passo, noi siamo il rosso e il nero della terra, un oltremare di sandali sfondati, il polline e la polvere nel vento di stasera. Uno di noi, a nome di tutti, ha detto: Non vi sbarazzerete di me. Va bene, muoio, ma in tre giorni resuscito e ritorno.

Erri De Luca, Solo andata (Aller simple).
A découvrir – en version complète – dans la traduction de Danièle Valin, Gallimard, 2012.

Le poème entier est un hommage aux migrants de la Méditerranée.