Une perfection absolue ?

L’interprétation de l’œuvre musicale n’épuise jamais son objet.

Il est remarquable de noter que les plus grands interprètes eux-mêmes reprennent plusieurs fois le même ouvrage, pour en offrir une approche plus aboutie, plus riche, …  Et pourtant, à chaque étape, nous estimons qu’ils touchent à la « perfection absolue ». Comme l’expliquait un jour, dans une émission du matin (Première Édition, F.Culture), Yves Angelo, le réalisateur de « Sur le bout des doigts », cette perfection absolue de l’interprétation musicale fait partie de notre quotidien, elle n’est pas un idéal inaccessible.

Nous, les praticiens, nous sommes dans la perfection absolue quand la musique est en adéquation parfaite avec nos émotions, dans le moment de l’exécution. Vous voyez bien, je pense, de quoi je veux parler. Et cette perfection absolue est reconductible, par un chemin long et parfois difficile, dans une recherche permanente. L’idéal est, en outre, l’adéquation avec la création, non seulement à travers ce que le créateur a lui-même apporté, mais dans l’ouverture et l’enrichissement magistral de l’expérience accumulée de nos vies respectives. Là, il n’y a pas de limites. La marche n’atteint jamais le but mais reste toujours une longue marche d’approche.

Ecarter de soi …

Pour saluer la réédition des Poésies de Jean de la Croix:

Aparta de ti las cosas que no son tuyas

(écarte de toi les choses qui ne sont pas à toi)

 Dans Les dits de lumière et d’amour.

Apartar : paradoxalement, c’est l’acte poétique par excellence. Se dénuer dans l’émerveillement, se détacher dans l’approche. Sons inaudibles sous les feuilles, qui n’ont jamais eu d’accordeur.  Regarder le monde comme si rien, jamais, n’avait été écrit. [sur le site de Remue.net]

Ce vers de Jean de la Croix évoque pour moi cette ligne de Christian Bobin, qui dit la même chose. C’est la même idée, dans toute sa brièveté, qu’il complète ici. On est bien dans ce qui fonde le geste du lâcher-prise, ce geste d’écart, qui n’est ni passivité ni abandon, mais accueil. Et qui ouvre tous les possibles.

 M’éloigner assez de moi pour qu’enfin quelque chose m’arrive.

C. BOBIN, Autoportrait au radiateur, p. 64