Mono no aware

mono-no-awareDans Cinq méditations sur la beauté (p. 26), François CHENG évoque le fait que la beauté nous paraît presque toujours tragique  — hantés que nous sommes par la conscience que toute beauté est éphémère.

De même, dans le grand récit héroïque japonais, dit du Genji, s’exprime ce sentiment douloureux de la beauté que les Japonais appellent «mono no aware».
C’est le sentiment que nous pouvons ressentir devant l’œuvre d’art, cette conjonction d’émerveillement et de souffrance, celle qui naît du sentiment de la fugacité de ces instants de bonheur irrépressible, puissant.


La lecture du petit livre de Ito Naga 1 m’amène à ajouter [juillet 2015] cette citation:

Mono no aware, c’est l’émotion que l’on éprouve devant les changements subtils de la nature.

Mais Ito Naga ajoute, sibyllin:

Il se trompe en pensant que Mono no aware signifie « nostalgie », mais on devine pourquoi il pense ainsi.

Le calligraphe

Le calligraphe relie le souffle qui l’anime à celui qui anime la substance des signes qu’il trace ; il entre en osmose avec l’essence des choses. En exprimant la vérité des choses, il exprime la sienne. Le pinceau, véritable «sismographe», enregistre le moindre frémissement de sa main, qui traduit ce qui vient de la profondeur de son être, sa véhémence, sa tendresse, sa sensibilité aussi bien charnelle que spirituelle, ses besoins de rectitude comme d’élan, de rigueur comme de grâce. Au plus haut de sa réalisation, il lui sera donné d’intégrer la grande rythmique universelle. La pulsion de l’homme rejoint là la pulsation du monde.

François CHENG et Alain REY, Dialogues, p.16

Accueillir

François CHENG nous rappelle que la posture d’accueil selon Lao Tze s’exprime dans cette formule magnifique: être le ravin du monde. J’ai noté par ailleurs – du même Lao Tze, cette recommandation, pleine de sens: Aider ce qui vient tout seul.

Et dans le constat de Maurice CHAPPAZ, il y a tout un programme : Je voulais construire au lieu d’accueillir.

La voix – la voie

François CHENG raconte — pour nous faire entrevoir l’étymologie chinoise — que le paysan qui poussait son troupeau donnait de la voix pour le guider sur la bonne voie. La « voie » et la  « voix » sont représentées par le même signe, en chinois : le TAO.

Les philosophes, inspirés par l’étymologie du mot, ont cultivé l’entrecroisement des deux sens. Coïncidence des coïncidences : en français, la voie et la voix sont homophones, faisant en quelque sorte écho au « tao » chinois. Continuer la lecture de « La voix – la voie »