Ciels d’Edinburgh

En octobre dernier, escapade de quelques jours à Edinburgh où je n’étais plus allé depuis des années. Le temps était à la pluie mais traversé de grandes éclaircies soyeuses dans la lumière de l’automne écossais.

Voici le ciel de pluie sur la vieille ville et le château. Et voici le ciel de la bibliothèque de la Scottish National Portrait Gallery, qui m’évoque immanquablement le plafond constellé de la gare de New York, Grand Central. Correspondances stellaires dans les yeux du voyageur, que sa fatigue et le dépaysement imprévu rendent presque mystérieuses.

Le visage

Le visage. Notre visage. D’abord un effort. Un effort inouï, millénaire pour rassembler les yeux, la bouche, le nez sur une même face, pour affronter le monde autrement que par les yeux écartelés des non primates. Que serait le dialogue humain si nos yeux étaient isolés de chaque côté du front, incrustés sur nos tempes comme chez la plupart des espèces animales ? (…) Pourrait-on véritablement penser, méditer, se concentrer sans ce symposium de nos sens, sans cette confrontation frontale ? Un visage n’est-ce pas d’abord cela : un patient rendez-vous d’organes vers le concile plénier de notre face ?

Jacques LACARRIERE, Sourates, La sourate du visage

La révélation du visage est révélation du langage lui-même. Par conséquent, elle n’a aucun contenu réel, ne dit pas la vérité sur tel ou tel aspect de l’homme ou du monde : elle n’est rien qu’ouverture, rien que communicabilité. Marcher dans la lumière du visage, signifie être cette ouverture, la supporter.

Giorgio AGAMBEN

L’étonnement

Il y a deux façons d’éclairer le monde. La première est d’en dissiper l’obscurité, de chercher la vérité sous les faux semblants, d’en abolir les apparences au profit de la transparence. Mais de même que la lumière du jour dissimule les étoiles, la lumière de la raison recouvre les ombres du masque mensonger de la vérité. La seconde revient au contraire à consentir à l’opacité des phénomènes comme à l’altérité de l’Autre, à penser l’impensable, la différence, l’irréductible singularité de tout ce qui existe et dont on ne peut jamais vraiment rien dire. On y perd la vérité mais on y gagne en retour la franchise, la candeur et le sens de l’étonnement.

Raphaël Enthoven – F.Culture, 12/06/2008.

Nostalgie de la lumière

Le spectre des étoiles, tel que les énormes télescopes des observatoires installés dans l’immense désert d’Atacama au Chili peuvent le capter et l’illustrer, marque clairement la présence du calcium, aux confins de notre univers. Ce même calcium qui forme notre squelette et constitue les os blanchis des cadavres éparpillés par la dictature militaire, pour qu’on ne les retrouve jamais. Le film de Patricio Guzmàn est un hommage à cette quête du passé – d’un passé très lointain, infiniment lointain, des extrémités, et celui – occulté, oublié, honteux, .. des victimes de la dictature, disparus par milliers. Ce film est de toute beauté.

Nostalgie de la lumière, la bande annonce