L’adresse

Où il est question de l’adresse :  à qui s’adresse mon cri ? à qui s’adresse ce geste de création, ce foisonnement de l’écriture, ce mouvement, ce pas de danse, cet élan du corps, cet envol de la voix, cette poussée du souffle ?

L’homme qui s’écrit/s’écrie: l’homophonie n’est pas neutre. Et le cri, c’est bien plus que l’adresse à un public. Maurice CHAPPAZ écrit quelque part (A-Dieu-vat, p. 179), que l’homme qui écrit appelle sa mère aussi.

Il est curieux de noter que plusieurs auteurs, aussi différents que Chappaz, Vonnegut ou Lu Xun, pressentent une adresse similaire: celle qui va au public d’une seule personne.

Je soupçonne que toute création qui possède une unité vraie et une harmonie bien à elle est le fait d’un artiste ou d’un inventeur qui a dans sa tête une personne bien précise qui lui sert de public.

Kurt VONNEGUT, Le cri de l’engoulevent, p.24

La création, même quand elle n’est qu’un épanchement du coeur, souhaite se trouver une audience. La création est sociale par définition même. Mais elle peut fort bien se contenter d’un seul lecteur : un vieil ami, une amante. (LU XUN, cité par Simon LEYS, in Écrits sur la Chine, p. 715)