Improvisation

En travaillant avec Martha Rodezno.

Elle nous rappelle « la main » de l’improvisation, à entendre comme les 5 doigts [5 éléments, à nouveau ?] de cette main:

  • le mouvement
  • la respiration
  • le son
  • l’imagination
  • la communication

Tout marche ensemble, et rien n’a lieu véritablement s’il manque un des cinq. C’est l’improvisation du danseur, du chanteur, du musicien, …

Elle utilise cette image intéressante: il ne suffit pas de mettre les ingrédients dans la marmite, il faut aussi du feu sous la marmite, pour que « ça prenne ». En d’autres termes, il est indispensable de générer une action, de donner de l’énergie pour que quelque chose se passe. Le lâcher-prise, oui, mais pas au détriment de l’engagement énergétique, de l’investissement dans l’action. Et cet engagement est corporel, physique. Si l’improvisation a besoin d’une forme de lâcher-prise (ou comment oser …), il ne fonctionne pas dans la pure écoute passive, mais dans cette « réciprocité actuante » où chaque danseur, acteur, musicien improvisateur est actif, à un niveau d’énergie suffisant pour être présent à soi et présent à l’autre.

Et la qualité du rapport à soi, authentiquement – mais comment l’évaluer, comme la mesurer ? – c’est surtout l’engagement, le choix délibéré de ne pas priver l’autre de soi-même.

Je danse

Fin mai 2014, je danse avec Thierry Heynderickx et Martha Rodezno. Dès les premières minutes de ces trois jours d’atelier, un grand moment de reconnaissance. Je m’y retrouve, presque étonné de cette soudaine fraternité ou comment leur projet commun et leur travail sur le mouvement, sur l’expressivité, sur les émotions, sur l’intime, rencontrent mon projet et le travail que je mène depuis des années avec les chanteurs. Il est question du même mouvement, de la même dynamique, de la même recherche…

Nous sommes quelques stagiaires, danseuses et danseurs, et d’autres, musiciens, thérapeutes. Beaux moments de découverte, d’échanges, de drôlerie, de vérité, de confiance en somme. Nous travaillons sur mouvement/immobilité; silence/son; intériorité/extériorité; solo/collectif, toujours dans la recherche de l’authenticité – autant que possible, du geste, de la posture, du regard, de la voix, du mouvement. Tout est dans le lien: lien à soi, lien aux autres, lien à ce qui nous entoure, nous englobe, nous pénètre: l’air, la lumière, les sons extérieurs familiers ou étranges, la chaleur des corps. C’est un tissage du lieu, du temps qui forme la trame de notre danse.

Très beaux moments de découverte bienveillante. L’attention est centrée sur la pensée positive. La pensée d’un encouragement de moi à moi, sur ce que je peux faire, ce que je sais faire, même déjà depuis/dans le moment de l’écoute immobile. Positive aussi dans le déploiement des possibles : ce que je n’ai pas encore fait, ce que je n’ai pas encore réussi à faire, les chemins encore inexplorés, ce qui reste à faire, ce qui reste ouvert. Je m’appuie sur mon expérience – un passé individuel et collectif, et construis un futur de même. Grande importance du collectif, même dans le solo, qui se déploie sous le regard (bienveillant) des autres. Continuer la lecture de « Je danse »

Accompagner le son

Souvent, pour obtenir la souplesse du déroulé, le soutien d’une phrase, en évitant toute crispation, j’ai utilisé – pour moi, ou suggéré – pour les chanteurs, un geste.

C’est un geste d’accompagnement, de sollicitude : on tend le bras, la main, on tourne le haut du corps, comme pour accompagner une personne, la guider avec courtoisie, avec la précaution dont on peut entourer une personne âgée ou affaiblie. Mais c’est la phrase musicale qu’on incarne ainsi et qu’on guide, à côté de soi, à qui l’on ouvre le passage, …

L’essentiel, c’est que ce geste figure explicitement le déroulé de la phrase musicale en dehors de soi-même, l’objective totalement et, en même temps, nous y attache dans un geste de précaution attentive. La posture est, immédiatement, celle du lâcher-prise.

Je vois aussi dans ce geste la figure du danseur, dans un pas de deux dont la/le partenaire serait la phrase musicale. Les chanteurs s’y trouvent dans un rapport souple de distance et d’accompagnement qui s’avère extrêmement efficace pour la qualité de l’émission vocale et pour la musicalité de l’ensemble.

Un gabarit

Pour donner une juste perception de ce que doit être l’autonomie, j’ai quelquefois proposé de fixer, symboliquement et quel que soit le nombre chanteurs de l’ensemble, un gabarit : celui du quatuor ou du quintette [SATB ou SSATB, …]. Dans lequel chaque chanteur/teuse remplit pleinement le rôle de soliste ; il/elle y a donc la même responsabilité que s’il/elle chantait seul/e dans cette petite formation. [voir aussi sur ce point La totalité du son].
C’est donc, à la fois, une requalification du rôle de chacun, une autre perception du son de l’ensemble et de la place de son propre son dans le son du chœur. La métaphore du gabarit influence aussi la posture générale, la conscience de sa place dans l’ensemble, ce qu’on nomme l’assertivité. Cette technique a des effets évidents sur le travail personnel, sur la posture de l’artiste, dans le rôle de l’acteur, … Il est possible ensuite d’ajuster son engagement, son travail régulier, à l’aune de ce gabarit – même symbolique.