Mono no aware

mono-no-awareDans Cinq méditations sur la beauté (p. 26), François CHENG évoque le fait que la beauté nous paraît presque toujours tragique  — hantés que nous sommes par la conscience que toute beauté est éphémère.

De même, dans le grand récit héroïque japonais, dit du Genji, s’exprime ce sentiment douloureux de la beauté que les Japonais appellent «mono no aware».
C’est le sentiment que nous pouvons ressentir devant l’œuvre d’art, cette conjonction d’émerveillement et de souffrance, celle qui naît du sentiment de la fugacité de ces instants de bonheur irrépressible, puissant.


La lecture du petit livre de Ito Naga 1 m’amène à ajouter [juillet 2015] cette citation:

Mono no aware, c’est l’émotion que l’on éprouve devant les changements subtils de la nature.

Mais Ito Naga ajoute, sibyllin:

Il se trompe en pensant que Mono no aware signifie « nostalgie », mais on devine pourquoi il pense ainsi.

En hommage à l’Italie

L’Italie socialement m’a rendu la parole. Je ne savais pas la langue, or j’ai, à l’imprévu, pu la saisir dans tout ce qui est élémentaire, ce qui pouvait d’ailleurs ensuite me rendre plus aisée « la poésie ». Ce n’est pas Paris, c’est la Province qui m’a délié l’esprit. L’Italie semble offrir directement ce dont la Suisse romande se détourne: une immédiateté orale, une complicité avec le secret intime. Le tragique est caché différemment.

Maurice Chappaz, Quelques gouttes de pluie d’une vie avec Gilbert Rossa, Conférence n°21, automne 2005, pp. 295-296

(Lecture: il y a au royaume de la fiction un village situé entre Stendhal et Borgès qui s’appelle Sciascia. Il ne grandira plus désormais mais ses rues – que je connais mal – , à la fois étroites et aérées, sont très belles. En général, la qualité de la littérature italienne contemporaine est une discrétion qui étonne: un art de créer des paraboles sans leur dérouler de tapis, une façon pour ainsi dire pragmatique d’écouler la mélancolie.)

Jean-Christophe Bailly, Phèdre en Inde, Plon, p. 115