Les bras

Hélène SADOVSKA, danseuse soliste du Ballet des Champs Elysées, professeure de danse, raconte l’anecdote suivante (F.Culture, La fabrique de l’histoire, lundi 15 juin 2009): un photographe a pris des photos de danseuses classiques. A l’édition des tirages, la danseuse de l’école française regarde d’abord son visage, l’Anglaise observe ses jambes, et la danseuse formée à l’école des ballets russes regarde ses bras.

Elle rappelle: oui, ce qui est remarquable dans l’école russe est l’attention portée aux bras, au haut du corps, au buste. Parce que le mouvement est lié à la respiration. Elle dit: d’abord la respiration, puis le mouvement !

Le temps perdu ?

Tu ne le sais pas encore. La musique n’est jamais du temps perdu. Elle est  la perte.

Vincent DIEUTRE, dans ce film étrange et fascinant – touchant aussi, pathétique parfois – qu’il a appelé Mon voyage d’hiver (à la minute 39’20 »). La musique y est magnifique, Schubert, Beethoven, … qui souligne cette errance dans l’hiver d’une Allemagne chargée de souvenirs, ceux du narrateur et ceux de l’Histoire, pesante.

Scheldeland – Le pays de l’Escaut

Mon grand-père maternel, Pierre Clément, était originaire de ce pays de Sint-Niklaas (Saint-Nicolas), Waasmunster et Dendermonde, qu’on nomme le Pays de l’Escaut. Le fleuve déroule ses méandres dans un paysage de bocage et d’eaux dormantes. Les petits villages aux maisons basses, les sentiers, les levées de terre encadrent les bras morts de l’Escaut. Il n’y a que quelques ponts sur les grands axes, mais les localités riveraines commercent par un bac de passage, réservé aux piétons et aux cyclistes. Le fleuve respire au rythme des marées. C’est un pays fermé, préservé, étranger pour moi et pourtant infiniment familier et proche.

Un jour, dans le métro parisien, je suis tombé en arrêt sur une affiche qui publiait ceci:

Marcheur, ô sentinelle
qu’entends-tu de la nuit ?

Des crissements d’ancres Des
plaines de granges ouvertes sur l’eau

Marcheur, ô sentinelle nocturne
Quel est cet homme s’activant près du brasier ?

Frank VENAILLE, La descente de l’Escaut, poème.

Ce fut une révélation de profonde intimité entre ce texte et ce pays – magnifiquement célébré par Venaille.


Je note [septembre 2011], en écho de la strophe de Venaille: Veilleur, où en est la nuit ? Veilleur, où en est la nuit ? (Isaïe, 21-11)

Je note, un peu plus tard, chez Mahmoud DARWICH: Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés / De guetter la lumière dans notre sel / Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure / N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ? [Etat de siège, 2002]


Je note encore [mars 2014], la toute dernière phrase du petit livre admirable dans lequel Christian Bobin témoigne de son admiration pour Antonin Artaud:

Qui peut veiller celui qui veille ?