Le mot: démocratisation

Marc Dumont, dans un article sur l’excellent site EspacesTemps 1  attire notre attention sur de fatales confusions:

Sémantique, tout d’abord : en effet, le terme de démocratisation est utilisé dans tous les cas cités comme un synonyme ― c’est-à-dire un terme qu’il est possible de substituer à un autre ― de celui de « popularisation » ou de « généralisation ». Est-ce parce que le premier des deux est trop connoté idéologiquement ― le « peuple », bien peu actuel dans une société d’individus ? Quoi qu’il en soit, la démocratie correspond bien à une équation ― «δήμος dēmos + -κράτος, kratos» ―, suffixe absent dans l’idée de généralisation ou de popularisation. La généralisation ― ou démocratisation du terme ! ― est-elle par ailleurs aussi anodine que cela ?

On touche ici une seconde confusion d’ordre beaucoup plus théorique à laquelle nous allons maintenant nous attacher, entre une réalité et son discours, entre le politique et son expression, entre le pouvoir et le discours sur le pouvoir, par un habile tour de passe-passe.

La démocratie ne renvoie donc pas seulement au dēmos, au peuple, mais surtout à l’idée de gouvernement et au pouvoir. Lorsqu’on dispose d’un caméscope ou d’un mobile connecté 24h/24 sur internet, cela nous rend certainement conforme à l’ensemble des pratiques d’achat et de consommation moyennes des citoyens d’un pays, cela ne nous rend pas pour autant dotés d’un pouvoir ― à moins d’être celui d’un pouvoir d’achat, mais l’idée politique contenue dans la démocratie disparaîtrait du même coup, le pouvoir d’achat n’étant pas en lui-même directement lié à l’exercice d’une capacité politique (sinon de manière indirecte, à l’occasion d’une manifestation publique contre son explosion, par exemple).

Le Divers

Ne nous flattons pas d’assimiler les mœurs, les races, les nations, les autres; mais au contraire, réjouissons-nous de ne le pouvoir jamais, nous réservant ainsi la perdurabilité du plaisir de sentir le Divers.

Victor SEGALEN, cité par Patrick Corneau, Suite brésilienne, in Conférence n°15 (2002), p. 81

Con fuoco

Les dernières pages de ce petit livre 2, publié chez Jacques Brémond, sont intitulées Pour sortir du manège.

Serge VELAY nous y donne une magnifique déclaration d’amour à l’écriture.

Voici ces pages (cliquez sur le titre de l’article / sur les pages pour afficher).

 

 

 

 

Chanter le Kanon Pokajanen

Kanon Pokajanen – Arvo Pärt 3

Chanter le Kanon Pokajanen, c’est faire l’expérience physique du temps, une expérience presque douloureuse mais vitale : le déploiement de l’œuvre dans son temps propre nous insère dans un temps contracté, dans lequel tout repère nous est retiré. Deux heures de musique et, au bout du compte, plus rien qu’une suspension, plus rien que la fatigue illuminée, radieuse, la sensation d’un éclair qui nous aurait traversé le corps.

Pour le temps que nous pouvons à peu près compter, le temps de notre vie, celui qui passe irrémédiablement, la longue fréquentation d’une œuvre aussi importante, sur près de 10 ans, représente une part énorme. Elle établit une longue et féconde familiarité avec les formules sacramentelles, celles de cette prière de contrition que nous commençons à connaître – non pas à connaître par cœur comme on apprend un rôle au théâtre, mais à re-connaître, intimement, comme si ces paroles de pénitence dans cette langue inconnue, nous en étaient devenues si proches, que nous en percevions comme l’héritage mystérieux, presque la nostalgie d’un pays que nous aurions habité. Continuer la lecture de « Chanter le Kanon Pokajanen »