Nous sommes les innombrables

Ecoutez ici [la voce di Ivo di Palma]: GLI INNUMEREVOLI

Siamo gli innumerevoli – raddoppia ogni casella di scacchiera – lastrichiamo di corpi il vostro mare per camminarci sopra; non potete contarci: se contati aumentiamo, figli dell’orizzonte che ci rovescia a sacco. Nessuna polizia può farci prepotenza più di quanto già siamo stati offesi. Faremo i servi, i figli che non fate, le nostre vite saranno i vostri libri di avventura. Portiamo Omero e Dante, il cieco e il pellegrino, l’odore che perdeste, l’uguaglianza che avete sottomesso. Da qualunque distanza arriveremo a milioni di passi, noi siamo i piedi e vi reggiamo il peso. Spaliamo neve, pettiniamo prati, battiamo tappeti, raccogliamo il pomodoro e l’insulto. Noi siamo i piedi e conosciamo il suolo passo a passo, noi siamo il rosso e il nero della terra, un oltremare di sandali sfondati, il polline e la polvere nel vento di stasera. Uno di noi, a nome di tutti, ha detto: Non vi sbarazzerete di me. Va bene, muoio, ma in tre giorni resuscito e ritorno.

Erri De Luca, Solo andata (Aller simple).
A découvrir – en version complète – dans la traduction de Danièle Valin, Gallimard, 2012.

Le poème entier est un hommage aux migrants de la Méditerranée.

La poésie est résistance

Dans une émission de l’été, sur France Culture1, Erri DE LUCA, parle de son recueil de poésie, Aller simple (Solo andata).2

Erri De Luca nous explique: La poésie a été la plus forte machine de résistance du 20e siècle, pour ceux qui n’avaient foi en aucun dieu.

Il raconte un épisode – qu’il considère comme fondateur, pour lui-même – de la vie d’Anna Akhmatova : elle est dans une file en attendant de pouvoir rencontrer son fils qui est en prison. Une femme se retourne vers elle avec un visage sur lequel était passé le 20e siècle avec la charrue. Elle demande à Anna : Ça, vous pouvez le décrire ? Et Anna répond : Oui, je peux.

C’est ça la poésie ; la responsabilité qu’elle se prend, par la bouche d’Anna, de répondre au « ça » de cette femme et du vingtième siècle.

La musique et les arbres

La musique et les arbres écoutent les humains.

Max DORRA, Heidegger, Primo Levi et le sequoia

Erri De Luca rapporte1 ce qu’il a appris de Marina Tsvetaeva : à côté de l’attraction terrestre (la découverte de Newton, la gravitation, …) il y a l’attraction céleste. Il y a des forces qui poussent – aussi – du bas vers le haut. Newton a bien pensé la force qui attire la pomme vers le sol, mais ne dit rien de la force qui a permis à la pomme de se hisser au sommet de l’arbre.

Pour De Luca, la liberté, les grandes migrations, … sont des attractions célestes. Les plus belles figures de ce qui pousse vers le haut : le feu, l’arbre, …

J’avais noté un jour, dans la Mythologie des arbres, de Jacques Brosse:

L’arbre semble le support le plus approprié de toute rêverie cosmique; il est la voie d’une prise de conscience, celle de la vie qui anime l’univers. Devant l’arbre qui conjoint deux infinis opposés, unit deux profondeurs symétriques de sens contraire, l’impénétrable matière souterraine, ténébreuse et l’inaccessible éther lumineux, l’homme se prend à rêver.