La bêtise

©PHOTOPQR/L’ALSACE/Thierry Gachon

 

 

 

 

 

Ecoutez ici Nancy Huston:

Le 30 mai 2005, Nancy Huston publiait ce texte, dans lequel elle demandait la libération de Florence Aubenas. Très beau texte, sur une thématique qui m’intéresse depuis longtemps. Je ne trouve rien de plus effrayant que la bêtise, quand on peut résister à tout, à la cruauté, à l’ignorance, à l’intolérance. Mais pas à la bêtise, à ce que Flaubert nommait « le front de boeuf de la bêtise. »

Il y a, par aillleurs, des textes magnifiques sur la bêtise, des pensées riches. Prenons simplement ceux-ci: Stiegler, Deleuze, et puis Bobin, pour le dernier mot.

Seule une lutte contre la bêtise imposée par le contrôle du temps de cerveau disponible, càd par le populisme industriel, constitue une véritable possibilité de « réenchanter le monde »: de le rendre désirable, et par là de rendre à la raison son sens premier de motif de vivre (…): la raison comme sens de l’existence (et en cela comme sens de l’orientation).

Bernard STIEGLER, Réenchanter le monde, notamment p. 17, dans le manifeste d’Ars Industrialis. Continuer la lecture de « La bêtise »

Le désir

Dans notre pratique artistique amateur, en tant que pratique collective, j’oppose depuis longtemps la logique de désir à la logique de plaisir. Les « usagers » d’un service réclament leur dû, en mesure de satisfaction (ne sont-ils pas des « clients » ?). Par contre, les « praticiens » – j’emprunte ces termes à Bernard Stiegler – en sont eux-mêmes les acteurs, mis en mouvement (« motivés » au sens propre) par leur désir. Avec des « usagers », il n’y a pas de création possible, et le plaisir reste mercenaire et compulsif (Jean Sur a ce mot: le « tout-à-l’ego »). Avec des « praticiens », tout est réalisable.

Gilles DELEUZE, dans les entretiens qu’il a eus avec Claire Parnet1, évoque le désir. Il dit notamment ceci : le désir ne s’applique pas à une personne, à un objet. Plus encore: je ne désire pas un ensemble, mais dans un ensemble.Tout désir coule dans un agencement. Désirer, c’est construire un ensemble, un agencement, une région. Il évoque Proust: ce n’est pas une femme que je désire, c’est le paysage qui l’/qu’elle enveloppe.

Les deux aspects me sollicitent : d’une part, l’agencement, l’ensemble; d’autre part, au-delà de la métaphore, la spatialisation, l’ancrage dans un « paysage ».

Trop grand pour moi ?

En paraphrasant Deleuze [dans l’explication qu’il donne du sens de la plainte] : le risque de la musique … c’est que ce soit « trop grand pour moi ». Ce « trop grand » s’applique à la joie – mais aussi à la plainte. L’illustration la plus convaincante se trouve dans l’immensité du chant lyrique, de la voix des grands solistes d’opéra, dont la vibration émotionnelle déchirante bouleverse l’auditeur, jusqu’aux larmes.