Sebald féerique

Ma découverte de W.G. SEBALD date d’il y a quelques années à peine. Je me demande encore comment j’ai pu ignorer ses livres aussi longtemps. Mais le bonheur de cette découverte tardive me rassure sur la possibilité qu’il me reste de faire encore d’autres découvertes aussi passionnantes, parmi les écrivains dont les oeuvres sont déjà accessibles, sans compter tous ceux qui vont encore apparaître dans le temps qu’il me reste de vivre. Avec Sebald, je n’ai que le regret de sa disparition prématurée qui nous prive probablement de beaucoup d’autres ouvrages, dont l’imagination peut établir ainsi une liste rêvée. Mais les livres disponibles me comblent déjà, d’un plaisir renouvelé à chaque lecture.

On a beaucoup écrit sur Sebald, sur l’ambiguïté délicieuse de ses récits qui mêlent – sans qu’on puisse les partager, l’histoire et la fiction, entretenant, avec un plaisir d’auteur que l’on soupçonne, la confusion du lecteur grâce à la production de documents photographiques comme autant de preuves dont on devine pourtant le caractère fabriqué. Mais nous voulons croire à tout cela, tellement heureux qu’on nous raconte des histoires ! Continuer la lecture de « Sebald féerique »

L’indicible

J’entends par « indicible » le bleu du ciel cet après-midi, par exemple : c’est une expérience assez simple, celle d’un brusque manque de langue au moment où vous avez le plus envie de parler. (…) Je n’aurai pas capté ce bleu : ce sera pour un autre jour. Il ne s’agit pas d’inspiration, seulement d’être momentanément conducteur, pour laisser passer à travers soi et le réel et la langue. Peut-être fallait-il une situation légèrement différente, avec un peu plus de poids du réel, et une moindre surveillance de langue… Un début de fatigue, ou d’ivresse ? Étranges moments où l’on sait qu’un poème aurait pu s’écrire en déplaçant un peu les réglages intérieurs. Mais on ne sait ni quels réglages ni comment déplacer…

Antoine EMAZ, Cambouis

A de très nombreuses reprises, dans ses romans, André Dhôtel semble faire le même constat : Continuer la lecture de « L’indicible »

Le roman de Dhôtel

Il y aurait tant à dire sur l’art très particulier de André Dhôtel. Je note déjà ceci, très vite [dans l’émission Une vie, une oeuvre, F.Culture, 2/01/2011]:

Il s’agit d’écrire et de raconter en ignorant toute ordonnance pour tâcher de saisir tout au moins des aperçus, rien que des aperçus.

(Dhôtel ajoute: ces minces ouvertures lumineuses qui étaient, chez Rimbaud, des visions éclatantes.)

Attendre des fissures par lesquelles le sens se manifeste.

Ou encore ceci :

Ecrire, pour trouver je ne sais quelle réponse à je ne sais quelle question.

Etc. A suivre …

L’usage du monde

Voici les toutes dernières pages de L’usage du monde de Nicolas BOUVIER. Je suis profondément touché par Bouvier, et singulièrement par ce récit de voyage, d’un voyage fabuleux entre la Suisse et les frontières de l’Inde, par deux jeunes gens, partis à l’aventure, à une époque où l’on était libre de traverser les Balkans, la Turquie, l’Iran, vers l’Afghanistan et l’Inde. Cela n’allait pas sans risque ni sans difficulté, mais la croisière était possible. C’est un récit d’initiation et d’ouverture au monde. Je ne connais pas d’autre livre qu’il faudrait emmener en exil …

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