Sebald féerique

Ma découverte de W.G. SEBALD date d’il y a quelques années à peine. Je me demande encore comment j’ai pu ignorer ses livres aussi longtemps. Mais le bonheur de cette découverte tardive me rassure sur la possibilité qu’il me reste de faire encore d’autres découvertes aussi passionnantes, parmi les écrivains dont les oeuvres sont déjà accessibles, sans compter tous ceux qui vont encore apparaître dans le temps qu’il me reste de vivre. Avec Sebald, je n’ai que le regret de sa disparition prématurée qui nous prive probablement de beaucoup d’autres ouvrages, dont l’imagination peut établir ainsi une liste rêvée. Mais les livres disponibles me comblent déjà, d’un plaisir renouvelé à chaque lecture.

On a beaucoup écrit sur Sebald, sur l’ambiguïté délicieuse de ses récits qui mêlent – sans qu’on puisse les partager, l’histoire et la fiction, entretenant, avec un plaisir d’auteur que l’on soupçonne, la confusion du lecteur grâce à la production de documents photographiques comme autant de preuves dont on devine pourtant le caractère fabriqué. Mais nous voulons croire à tout cela, tellement heureux qu’on nous raconte des histoires ! Continuer la lecture de « Sebald féerique »

La ligne

Pourtant la ligne, au lieu d’être conçue dynamiquement comme la tension de sa propre avancée, peut être considérée comme ce qui, en se traçant, coupe l’espace en deux. Vue comme cela, elle est alors le vecteur de la séparation, la matrice des enclos et des frontières.

Ce qui apparaît en filigrane derrière cette double vocation de la ligne, c’est un monde de lignes qui ne délimiteraient jamais des surfaces opposées, un monde de lignes vivantes et toujours parcourues: la pelote de la connexion, l’inextricable réseau du « connecter infiniment » dans lequel Hölderlin reconnaissait l’acte même de la pensée. Un monde de particularités non divisées, mais simplement visibles et visitées, un monde sans clôtures, sans frontières, sans interdits, sans points inatteignables.

Jean-Christophe BAILLY, Le propre du langage, p. 112

Diversité I

Des ambiguïtés du mot « diversité ».

Eric Hazan rappelle que les promoteurs de la « charte de la diversité » (Institut Montaigne, Claude Bébéar)  sont soutenus par Yazid Sabeg, Président de l’entreprise de télécoms CS (Communications et systèmes), spécialisée dans les systèmes de surveillance sophistiqués, d’application essentiellement militaire !

 

Le mot a la même ambiguïté que « multiculturalisme » : on prône la diversité, ce qui ne dérange évidemment personne, et dans le même mouvement on justifie que « l’accueil et l’ouverture », soient mis en oeuvre diversement selon cette diversité — la « lutte contre toutes les formes de discrimination » étant le paravent rhétorique habituel. Prôner le multiculturalisme dans une société rongée par l’apartheid rampant, se féliciter de la diversité alors que l’uniformisation et l’inégalité progressent partout, telle est la ruse de la LQR.

Eric Hazan, LQR La propagande du quotidien, 2006, pp. 46-50

L’idée de pluralité

Le respect de la diversité, c’est-à-dire l’idée de la pluralité, est à situer au centre du projet politique à bâtir. Qui dit pluralité dit altérité : hélas, nous ne sommes ni éduqués, ni préparés à cela. Être responsable de la responsabilité de l’autre, selon la formule de Levinas, ne signifie pas un abandon aux illusions idéalistes. (…) Il est donc nécessaire que l’écologie politique favorise les transformations personnelles en éduquant chacun à l’autonomie et à la complexité, car comme le soulignait Edgar Morin : comment songer à améliorer durablement les relations au plan planétaire si nous sommes incapables de transformer nos relations individuelles et donc de nous transformer nous-mêmes ?

Jacques Robin, L’écologie politique et le 21e siècle (2e partie).