La doléance

En ce début 2012, au moment où tant de choses, dans la vie de ce pays où je vis, dans la vie de l’Europe, du monde, se dessinent, vont se décider, je veux mettre en évidence ceci, simplement. Il ne s’agit pas de répercuter une plainte, mais de rendre compte d’un espoir. Et puis, mon Dieu, comme l’urgence est là !

Ecoutez: La doléance

La gamme pentatonique

Je suis frappé par cette belle coïncidence, cet extraordinaire raccourci temporel que révèle un épisode du film de Werner Herzog sur la grotte Chauvet: La grotte des rêves perdus – The cave of forgotten dreams, 2011. On voit un archéologue allemand1 jouer d’une flûte en os de vautour, vieille de plusieurs dizaines de milliers d’années. La flûte est précisément accordée sur une gamme pentatonique2. Celle qui est toujours utilisée aujourd’hui, dans les musiques populaires, dans le jazz ou la musique pop. Cette gamme qui, comme le démontre avec humour Bobby McFerrin, est un héritage universel: où qu’il soit, avec n’importe quel public, le jeu fonctionne.3

Voyez plutôt: Bobby Mc Ferrin

Les livres ne suffisent pas

La culture n’a jamais été aussi disponible. Elle n’en est pas moins en fâcheuse posture. Non tant à cause de sa marginalisation, que de son absence de lieu désigné. Les livres ne suffisent pas. Ce qu’il faudrait, en plus, ce sont des communautés de lecteurs. Un nous fondé sur leur lecture. Soyons honnêtes: la communauté ne suffit pas non plus. Ou pas toujours. (…) Comme le résume un autre personnage de Thomas Bernhard dans Oui: « Pour peu qu’on ait à proximité un seul être avec lequel on puisse, en fin de compte, parler de tout, on tient le coup, autrement, non. »

Olivier REY, Quelle vie, quel voyage, avec qui ?, in Conférence n°22, p.21-22

Les coups de sifflet du réel

Je comprends ce que Jean-Christophe BAILLY [Tuiles détachées, p.71] décrit si bien quand il parle de ces coups de sifflet qui, de différents points, sont lancés par le réel lui-même.

Et je sens une grande proximité avec lui dans la suite de son propos:

Et ces appels, du moins ceux que j’entends et auxquels je prête attention, loin de provenir d’une seule direction, proviennent d’à peu près toutes; loin aussi de ne consigner qu’un domaine d’étude ou d’attention, ils en concernent beaucoup. Dès lors, ce qui s’ouvre au-delà de la séduction propre à chacun d’entre eux, c’est un tourment. Incapable en effet de résister à la multiplicité de ces appels distincts et éloignés les uns des autres, je me suis retrouvé bien souvent écartelé entre eux: n’étant spécialiste dans aucun domaine, je me suis jeté autant qu’il était possible dans des directions opposées, sans doute à terme réconciliables, mais le malheur est que ce terme lui-même dépasse de loin les possibilités d’une seule vie.

Il poursuit [p.74]: (…) il me semble que le réseau qui naît de ces distances, fût-il distendu, est pour moi le seul viable et que le « noyau dur » de ce que je recherche gagne en consistance à être ainsi approché et perdu par des voies diverses.