Le seul non-objet identifiable

Seul objet non chosifiable, toujours dérobé au nom de ce qui le désigne, jamais convaincu d’appartenir au monde: le visage, ultime grâce du regard autrement énucléé dans la lumière tronquée du jour; là, encore du visible se défend de n’être qu’imagerie, présence défunte dans l’une fois pour toutes. Le visage, seul non-objet d’être trop objet de nous-même, est l’unique lieu où l’univers vacille, où l’oeil s’engouffre au lieu de s’aheurter. Devant lui, le sens fait face à son revers: il se révulse de devoir se reconnaître dans le vide qui l’appelle, le vide qui le nomme à son tour. Il y a un abîme derrière la façade. Elle suinte d’une profonde haleine et laisse par ses failles siffler les vents de nul lieu. Un abîme où l’oeil reconduit sa spirale, privé des communes étrangetés du monde. Le mystère est bien là, dans le revers de l’autre. Ni dehors, ni dedans, cet objet se décrédite d’être face au monde et pile au vide, entre cornée et nerf optique. Comment faire de cette « chose » posée sur une béance une apparence à part entière ? Il faudrait pour cela la vider de son vide et retourner comme un gant l’univers par le dedans du crâne.

(…)

Le grand scandale de la multiplicité humaine est l’impossibilité où elle nous laisse de la visiter toute amoureusement, face après face, monde après monde, pendant l’éternité de son mystère.

Hubert HADDAD, Du visage et autres abîmes

Vénérer la réceptivité

Noté ceci, dans Conférence n°6, p. 187 (Livane PINET-THELOT, Approche de Palézieux), qui éclaire une façon de comprendre l’attention et propose la « réceptivité » comme voyance.

Plutôt que de l’application, qu’une attention active, il faut, comme dit Shitao dans ses Propos sur la peinture du moine Citrouille-amère, vénérer la réceptivité. Autrement dit, il ne faut pas chercher à rendre le motif dans ses détails, à lui être fidèle en apparence; mais il faut devenir voyant: se laisser pénétrer par l’essentiel de ce qu’il est, sous l’apparence, afin de lui être fidèle en vérité.