La porte des parents

Écrire, c’est l’enfant qui se relève en pleine nuit et qui est dans la désolation de se découvrir seul et peut-être même abandonné et peut-être depuis toujours. Et cet enfant désolé et effrayé sort de sa chambre, traverse le couloir et va frapper à la porte des parents. Écrire, c’est le bruit que fait la main de l’enfant contre le bois de la porte des parents en pleine nuit.

Christian BOBIN dans un entretien avec Colette Fellous (France Culture, Carnet nomade, 9 mars 2008).

En écho, je note les derniers mots de J.B.PONTALIS dans Le Dormeur éveillé. C’est ici l’évocation de la même nécessité angoissée, de la même urgence, du même pas tremblant de l’enfant dans le silence nocturne.

Peut-être n’écrit-on jamais de livres, même les livres les plus sombres, les plus tourmentés, que pour éviter d’être précipité dans notre enfer, que pour tenter de civiliser cette sauvagerie que le cauchemar révèle crûment sans l’écran protecteur du rêve.
Des mots, des images, des traits, tout plutôt que le cri surgi de la détresse et de l’effroi, ce cri d’un enfant perdu que personne au monde n’entend.

La dent malade

Le geste d’écrire est comme celui de poser un doigt sur une dent cariée, en appuyant soudain très fort: la douleur portée à son extrême est aussitôt suivie d’un calme énorme. L’étrange dans cette affaire est que la dent malade est une dent qui manque.

Christian BOBIN, L’éloignement du monde, p. 39