L’étonnement

Il y a deux façons d’éclairer le monde. La première est d’en dissiper l’obscurité, de chercher la vérité sous les faux semblants, d’en abolir les apparences au profit de la transparence. Mais de même que la lumière du jour dissimule les étoiles, la lumière de la raison recouvre les ombres du masque mensonger de la vérité. La seconde revient au contraire à consentir à l’opacité des phénomènes comme à l’altérité de l’Autre, à penser l’impensable, la différence, l’irréductible singularité de tout ce qui existe et dont on ne peut jamais vraiment rien dire. On y perd la vérité mais on y gagne en retour la franchise, la candeur et le sens de l’étonnement.

Raphaël Enthoven – F.Culture, 12/06/2008.

Miracles

(…) Les miracles sont de la même nature que les éclairs. Ils ne viennent pas seuls, et par attraction vers un point qui palpite, qui appelle. Alors, une énergie de sabots au galop se précipite sur les centimètres d’un corps et va le sauver. Les miracles sont fréquents, ordinaires. Ils soutiennent continuellement la vie et quand elle cesse c’est parce qu’elle a cessé d’envoyer une charge pilote pour servir de guide au miracle. On meurt quand on nous demande plus. Le verbe de la vie, c’est demander, avoir une question, lancer le point d’interrogation vers le haut, assombri ou dégagé. Demander pour forcer la solitude, envoyer loin à voix basse la requête, parce que le souffle et non pas le cri va loin. Demander parce que ne pas demander, c’est capituler.

Erri De Luca, Sur la trace de Nives, p. 84

L’émerveillement

L’émerveillement crée en nous un appel d’air. L’éternel s’y engouffre à la vitesse de la lumière dans un espace soudain vidé de tout.

C. BOBIN, L’éloignement du monde

L’émerveillement va plus loin que l’étonnement. Je pense à ces personnes rencontrées – ma grand-mère maternelle par exemple, qui avaient/ont l’extraordinaire capacité de s’émerveiller des plus petits événements de leur vie, des plus petits incidents, de la plus simple rencontre. Elles nous donnent une grande leçon de vie. Christian Bobin, comme André Dhôtel, est l’un de ces révélateurs de l’émerveillement. L’émerveillement reste, pour moi, le principal moteur de la rencontre artistique, et la condition de sa fécondité.