Les Irlandais

Le 14 juin 2012, au stade de Gdansk, l’équipe d’Irlande est opposée à l’Espagne dans le cadre de l’Euro 2012. Les Irlandais sont battus, le score est sans appel 4-0. Vers la fin du match, quand tout est joué, que tout est perdu pour eux, les supporters irlandais – plusieurs dizaines de milliers, entonnent The Fields of Athenry. L’impression est extraordinaire. Le chant fait tout à coup irruption dans le stade et se prolonge de longues minutes, avec un pouvoir d’émotion incroyable. Je découvre quelques jours plus tard que l’UEFA a décidé d’attribuer un prix spécial aux fans irlandais qui ont été « fantastiques » durant l’Euro-2012.

The Fields of Athenry

 

 

Loving

The Loving Story – L’histoire des Loving

De passage à New York au printemps 2012, je visite – comme chaque fois, la galerie du Centre International de la Photographie, avenue des Amériques, dans le haut de Manhattan. Il y a toujours des expositions formidables. Cette année, je découvre les magnifiques photos de Grey Villet, le journaliste qui, au milieu des années 60, réalisa un reportage sur ce qui devait devenir un cas exemplaire de mariage interracial aux Etats-Unis. Richard et Mildred Loving  – quel nom prédestiné ! – s’étaient mariés en 1958 et, dès 1959, avaient été condamnés à la prison ou à l’exil s’ils ne divorçaient pas. Richard était Blanc, Mildred métisse d’Indien et de Noir. Leur union était impossible, juridiquement et moralement. La bataille juridique qu’ils ont alors engagée contre cette condamnation dura des années et trouva son issue dans le jugement de la Cour Suprême des Etats-Unis déclarant que les lois interdisant les mariages mixtes étaient illégales.

Bien au-delà du fait historique, sans précédent, qu’évoque cette exposition, je vois des photos de toute beauté. Ce qui est particulièrement émouvant, c’est l’amour qui émane de toutes ces images, les moments de tendresse, la douceur des attitudes, la proximité avec les enfants, l’échange des regards entre Richard et Mildred.

The Loving Story c’est aussi un film documentaire, disponible depuis 2011 aux Etats-Unis (HBO) – malheureusement invisible en Europe. Ici le site du film The Loving Story.

Voyez ici la bande annonce du documentaire : The Loving Story

Une pratique collective

Au-delà du développement de la singularité, c’est la communauté qui est en jeu dans la pratique collective. De tous temps, j’ai gardé une préférence, un attachement pour la pratique artistique collective. L’exercice de la polyphonie, pour moi, est largement supérieur à la pratique individuelle. Ce qui est absolument passionnant, c’est l’interaction, l’aller-retour, la dynamique d’échanges constants entre le singulier et le commun, entre soi et les autres, entre les singularités respectives. Le lien au commun s’augmente de la profondeur et de la solidité des singularités, s’ancre dans le centre, dans le poids spécifique de cette communauté de sens qui est tout sauf grégaire. Ce qui est au coeur de cette expérience unique, c’est autant le partage des compétences que le partage émotionnel.

La pratique commune a du sens. La communauté se constitue dans l’action, souligne Antonio Negri. Et Jean-Luc Nancy rappelle que le geste de culture est lui-même un geste de mêlée : c’est affronter, confronter, transformer, détourner, développer, recomposer, combiner, bricoler. Cet espace du commun – du partage de singularités affirmées – ne risque pas de se dissoudre dans un tout indifférencié, il n’est pas en opposition avec l’espace individuel, espace d’autonomie, de conscience et de liberté, mais au contraire le lieu du risque, de la rencontre poussée dans ses plus larges avenues, en usant de toutes les potentialités de l’individu authentiquement libre et personnel.

Nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création de quelques-uns, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. La culture n’est rien d’autre que le nous extensible à l’infini des humains.

(Monique Chemillier-Gendreau, in La culture lien entre tous donc bien public universel, LNA37).

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Le développement personnel

C’est un truisme que de dire, comme tant l’ont fait, que la pratique artistique est un formidable vecteur de développement personnel. Cependant, je pense qu’il est indispensable de le répéter – parce que cela semble dépourvu d’évidence pour les organisateurs de l’éducation nationale; et pour apporter ici un éclairage un peu différent.

La pratique artistique ouvre deux portes: celle du développement de la singularité et celle de l’expression de l’intime.

La singularité.

J’emprunte à Charles Juliet la belle formule: Dissoudre le moi, laisser advenir le soi.  Ou comment la pratique d’un art peut être comprise comme un processus de développement de la singularité (le soi) contre l’individualité (le moi)1. Nous vivons dans un monde plein de contradictions, dont celle-ci – qui n’est pas la moindre et dont les dégâts sont considérables: jamais les techniques du soin de soi n’ont été autant développées alors qu’en même temps tout est mis en oeuvre pour assurer la promotion d’une souveraineté pathologique du moi (P.Virilio).2 Continuer la lecture de « Le développement personnel »