Un détail

Le monde, comme nous l’a appris le philosophe Edmund Husserl, naît d’une « prestation subjective », d’un flux ininterrompu de conscience, d’une donation de sens.
Que surviennent un accès de lassitude, une baisse du ton vital et le vaste ensemble à l’édification duquel nous travaillons sans relâche ni cesse, se défait. Il n’en reste qu’un détail.

Pierre BERGOUNIOUX, Les restes du monde, p. 59

Ce détail, par la mention duquel Bergounioux clôt son petit ouvrage, me parle: c’est précisément l’objet, l’image, l’instant à partir desquels tout peut renaître. L’élan du créateur, comme celui du souvenir. Son isolement, sa fragilité ne sont rien devant sa puissance d’évocation.

Livres et bibliothèques

La revue Conférence présentait naguère (n°24, printemps 2007) quelques pages consacrées aux livres et à la lecture, avec des contributions de Giuseppe Pontiggia, Maurice Chappaz, François Debluë, Brian Stock.

Christophe Carraud a choisi, traduit et présenté les pages de Giuseppe Pontiggia sous le titre Livres et bibliothèques. Je ne peux que vous encourager à vous y plonger – voir le site de Conférence. L’accès à l’intégralité des textes exige de s’abonner, mais c’est une dépense largement compensée par un vrai bonheur de lecture. N’hésitez pas ! Pontiggia, écrivain, critique littéraire, admirable érudit est plein d’humour. Sa passion des livres est illustrée ici dans une suite jubilatoire de petits chapitres. Les intitulés en constituent le programme: Enfer et paradis de la librairie ancienne / Catalogues et vices / Sur l’achat des livres /  Voyages aux alentours / De la fureur d’avoir des livres et de les accumuler / Bibliothèques en flammes / « Lisez-vous un livre par an ? » / Le livre comme expérience / Hesse et la bibliothèque universelle / L’utile littéraire / Le chien et la tortue / L’utile pour le lecteur / Goûteurs de livres / Lecture créative / Auteur, lecteur et non lecteurs / La réception de la littérature / Entretien éclair / L’orgueil de l’ignorance / Sur la réanimation d’un vice / Un livre pour la nuit / L’exposition d’Isis / Lire.

Il y a là 50 pages de pure jouissance pour les amateurs de livres.

Par ailleurs, profitez-en pour explorer le site consacré à Pontiggia.

KUP TALDEA

Au Florilège vocal de Tours, 2010.

Nous sommes quelques amis, nous descendons du Nord pour le rendez-vous annuel du Florilège. Nous y venons depuis quelques années déjà. Et nous y avons entendu des prestations jubilatoires, étonnantes, magnifiques, émouvantes. Ce vendredi 28 mai 2010, en fin d'après-midi, nous voilà dans la salle du théâtre de Tours. Assis au premier rang, tout au bord de la scène, en prise directe avec le choeur, nous écoutons quelques prestations qui nous déçoivent un peu. Et puis arrive l'ensemble KUP Taldea (de Tolosa, au pays basque espagnol), dirigé par Gabriel Baltes. En un instant, l'émotion est extraordinaire: nous sommes entrés brusquement dans une autre dimension, la musique vient d'apparaître, le concours a commencé ! Tout de suite après, les questions se bousculent: d'où vient la différence ? le souffle ? le geste libre, la posture des chanteurs ? leur concentration ? leur capacité à être ancrés, centrés sur la musique et sur eux-mêmes, dans la jubilation partagée d'être des chanteurs, des musiciens véritables, au plus profond de la compréhension musicale ? Quel est le ressort caché de ce miracle, qui nous laisse émerveillés ?  Bien sûr, il y a des critères objectifs: l'émotion seule ne décide pas tout, et certainement pas de l'avis du jury qui, 48 heures plus tard, attribuera le Grand prix de la ville de Tours à l'ensemble KUP Taldea. Il y a la qualité des voix, la souplesse et la virtuosité, la capacité à mobiliser les énergies dans un ensemble, dans une communauté, la vision interprétative du chef, qu'il fait partager, et qui nous rend cette musique si proche, si évidente. Mais la recherche qui fait l'objet de tout mon parcours de chanteur, de chef de choeur, de formateur est ici illustrée avec une totale évidence: comment comprendre, éclairer, formuler et transmettre ce qui se passe dans la relation (mystérieuse, vraiment ?) entre la subjectivité la plus intime, la plus profonde (celle qui se manifeste dans le chant individuel, par la voix, par l'expression d'une musicalité singulière) et ce qui est de l'ordre du collectif, de la communauté - tant à l'intérieur d'un ensemble, dans la capacité à être en connivence musicale, dans la capacité d'écoute et d'empathie, qu'avec un auditoire, avec un public ?

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Révélation du langage

La révélation du visage est révélation du langage lui-même. Par conséquent, elle n’a aucun contenu réel, ne dit pas la vérité sur tel ou tel aspect de l’homme ou du monde : elle n’est rien qu’ouverture, rien que communicabilité. Marcher dans la lumière du visage, signifie être cette ouverture, la supporter.

Giorgio AGAMBEN