Le désir II

Un mot encore, sur le désir. Ou plutôt deux.

D’abord, il y a clairement un rapport entre le désir et le temps. Le désir s’inscrit dans la durée. Désirer s’effectue dans le temps, dans le temps du désir, justement.1 Le désir a ce point en commun avec la musique, le temps est le point de rencontre entre le désir et la musique. Mais autant le plaisir est dans l’immédiateté, dans la recherche compulsive de la réalisation instantanée, autant le désir me semble de l’ordre de la maturité : il gère l’inachevé, le perfectible.

Ensuite, si le désir est de l’ordre de l’inachevé, c’est bien dans une perspective dynamique : la poursuite de son objet est permanente, elle est le mouvement même qui anime la pratique. Il ne s’agit donc pas d’un inachevé à l’image d’un chantier abandonné, mais d’un inachevé stimulant, dynamique, qui motive la recherche permanente …

Donner des émotions

Il ne s’agit jamais d’exprimer des émotions, mais d’en donner, et c’est la rébellion contre l’expression, contre les poncifs du mélodrame et de la musique imitative qui fonde le spectacle moderne: et c’est parce qu’ils n’accordent rien à l’expression comme telle que les langages formels du passé ou de l’Orient ont pu jouer un si grand rôle dans l’invention de la modernité, où ils ont tenu le rôle de preuves. L’art doit avoir une efficacité terrible.

Jean-Christophe BAILLY, Phèdre en Inde, Plon, p. 135

Le temps perdu ?

Tu ne le sais pas encore. La musique n’est jamais du temps perdu. Elle est  la perte.

Vincent DIEUTRE, dans ce film étrange et fascinant – touchant aussi, pathétique parfois – qu’il a appelé Mon voyage d’hiver (à la minute 39’20 »). La musique y est magnifique, Schubert, Beethoven, … qui souligne cette errance dans l’hiver d’une Allemagne chargée de souvenirs, ceux du narrateur et ceux de l’Histoire, pesante.

Accompagner

Claude LEFORT, dans une conférence qu’il a donnée le 17 novembre 2007, rappelle: dans toute démarche herméneutique, dans tout travail d’interprétation (d’un texte, d’un programme, d’une injonction,…), nous devons renoncer au projet de maîtriser le texte mais plutôt choisir l’accompagnement de sa signification. Il nous faut accompagner le sens et non vouloir le maîtriser.

Par analogie, je travaille sur ce geste d’interprétation: accompagner la ligne musicale et non pas vouloir en prendre possession. Physiquement, il est très important de figurer le geste de l’accompagnement, quand le bras s’arrondit pour laisser le passage, ou quand le bras s’offre pour accorder le pas, … etc.
Constamment , je reprends ce travail de l’accompagnement : ne prenez pas votre voix en otage, ne cherchez pas à maîtriser le son ou la musique, mais ayez simplement ce geste d’accueil, de soutien, … La sonorité de l’ensemble en est transformée. Mais – en répétition, et souvent ! – il faut absolument le geste.