Déforestation – une proposition

Elle ne manque pas de sel, la proposition cynique de Lydie Salvayre, parue sur le site de Périphéries.

Proposition en faveur de l’abattage impitoyable des arbres, arbustes et arbrisseaux

1 – Regroupés en forêts, les arbres, arbustes et arbrisseaux servent d’ultime refuge aux animaux sauvages et aux hommes qui fuient leurs semblables. Une bonne déforestation permettrait de se débarrasser définitivement des uns comme des autres.

2 – Ramifiés en branches et branchettes, les arbres offrent aux désespérés un support idéal où attacher leur corde. La taille systématique des branchages (limitant les arbres à leur tronc) diminuerait sensiblement la vague des suicides qui affecte le pays.

3 – Traité par l’industrie, le cœur des arbres réduit en pâte, se transforme en papier sur lequel des hommes énervés écrivent des romans. Un déboisement radical (entraînant à court terme la chute des activités papetières) verrait la disparition progressive des livres susnommés, fort nocifs, semble-t-il, au calme des nations.

4 – Des expressions péjoratives telles que : maladroit comme un manche, con comme un balai, ennuyeux comme une scie (ou sciant), ainsi que les injurieuses comparaisons à un gland, à une bûche, à une branche, à un fagot ou à tout autre objet sylvestre mourraient de leur mort naturelle.

5 – Le poète exagérément célébré Federico Garcia Lorca, espagnol, pédéraste et auteur de Vert que je t’aime vert (éloge sirupeux de la fonction arboricole) serait dès lors remis à son juste échelon. C’est-à-dire le dernier.

6 – Enfin, nous n’aurions plus l’énervement d’ouïr, murmurées artistement à nos oreilles, des inepties du genre : La clarté déserte de ma lampe / Sur le vide papier que la blancheur défend, où le bon sens et la raison sont impudemment insultés.

Les arbres qui dansent

Il existe des arbres qui marchent ou des plantes qui n’ont qu’une feuille. J’évoque aussi une plante qui danse : la Codariocalyx motorius. Je l’ai observée dans un jardin botanique chinois, près de la frontière avec le Laos. Dès qu’il y a des sons, les folioles latérales de chaque feuille bougent. J’ai rapporté des graines au jardin botanique de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Au départ, l’équipe scientifique du jardin était plutôt sceptique sur cette capacité de la plante à danser et pensait que ses mouvements étaient dus aux courants d’air engendrés par le souffle de la voix ou le battement des mains. Mais ils ont pu constater que la plante dansait au son d’un poste de radio. C’est encore un mystère, on ne sait pas pourquoi cette plante bouge. Son mouvement implique la présence de capteurs sonores, ce qui est très surprenant pour une plante. Depuis, j’ai pu constater que cette plante avait besoin d’entraînement, il faut la faire danser très tôt et entretenir cette faculté régulièrement en lui donnant des sons ou même de la musique.

Francis Hallé. Dans un entretien paru le 29 décembre 2016 (Libération), à l’occasion de la publication de son Atlas de botanique poétique (Arthaud).