Tatami

L’agrément qu’il y a à dormir sur le tatami, c’est d’avoir ainsi le dos collé au sol, de faire corps avec la terre et — quand le calme et le silence de la nuit le permettent — de sentir et de partager la vaste rotation dans laquelle elle vous entraîne. Les couvertures tirées jusqu’au menton, les mains à plat le long du corps on fend l’espace comme un boulet chauffé au rouge. On pense aux autres corps célestes, aux orbites qui s’infléchissent et qui divergent, aux attractions, aux répulsions, aux lentes figures qui se tracent à des vitesses inconcevables.

Nicolas BOUVIER, Le vide et le plein

L’allure du temps

Pierre Bergounioux cite1 Charles Vildrac qui, dans les années 30, déplore déjà qu’une vie d’homme ne soit plus contenue dans une époque mais en contienne, dit-il, trois ou quatre dont aucune n’a eu le temps de s’épanouir dans la durée bien qu’elle se cristallise en nous.

Marcel Detienne2 a relevé, chez Michelet, en 1872: Un des faits d’aujourd’hui les plus graves, les moins remarqués, c’est que l’allure du temps a tout à fait changé. Il a doublé le pas d’une manière étrange.

Et Fabio Merlini3 cite Campanella qui s’en préoccupait déjà en 16024: (…) c’ha più istoria in cento anni che non ebbe il mondo in quatro mila; e più libri si fecero in questi cento che in cinque mila (…).

La connaissance comme trajet

En décembre 2002, Paul VIRILIO est l’invité d’une émission de France Culture. Il y parle de la vitesse et du mouvement. Je note au vol certains de ses propos.

La connaissance est liée non seulement à un objet, mais aussi à un trajet. Tout est aujourd’hui en mouvement. Dis-moi ton trajet, je te dirai qui tu es. La victoire est dans le mouvement, dans la vitesse. Nous vivons dans un monde de l’instant, de la relation instantanée1Ce qui prédomine donc : la figure du danseur.