Babel

La tradition nous enseigne que le châtiment de Dieu, face à l’orgueil des hommes, fut de les jeter dans la confusion de la pluralité des langues – ils ne se comprenaient plus et leur ouvrage commun fut anéanti.

Nicolas BOUVIER (dans L’Echappée belle) rapporte la tradition juive hassidique selon laquelle les hommes – parlant à l’origine tous la même langue, se plaignaient dans un même élan monotone. Mais plus personne ne prêtait attention à l’autre. Pour échapper à l’indifférence et à l’ennui, les hommes se lancent alors dans la construction – chantier inepte ! – de la tour de Babel. Dieu, dans son infinie miséricorde, aurait alors créé langues, dialectes et patois pour réveiller une curiosité qui s’était éteinte.

La leçon de Doillon

Dans le bonus de son film Raja (Dvd MK2), Jacques DOILLON parle de l’interprétation et dit des choses intéressantes. Il explique qu’il n’accepte jamais de se contenter d’une démonstration virtuose de la part d’un interprète. Il dit:  j’ai toujours besoin de savoir ce qu’il y a derrière cet écran de fumée de la virtuosité, du savoir-faire. Il faut passer derrière.
Le savoir-faire technique est important, mais il ne faut pas duper le spectateur. Il importe donc d’être une personne avant d’être un personnage. Ce n’est plus une contrainte à partir du moment où l’on comprend qu’il y a un plaisir énorme à mesurer cette capacité que l’on a de se dépasser, et d’émouvoir profondément…

Cette idée m’intéresse tout à fait pour le travail musical. Si l’émotion peut être mimée – et l’on sait, par des études, que le mime d’une émotion approche des conditions de son émergence et la favorise, le fin mot de l’histoire est d’alimenter véritablement son interprétation de tout ce qui fait de chacun de nous – interprète – une personne unique. L’émotion doit être vraie. La technique – et tant mieux si elle touche à la virtuosité – est utilisée pour aider à l’irruption de l’émotion et à sa transmission, à l’échange avec l’auditeur.

Lire André Dhôtel

Je trouve absolument magnifique cette citation de Roger Vitrac, qu’André Dhôtel place en exergue de son roman Lumineux rentre chez lui.

Livre ornement
mains du moment
livre ton mal à bon escient
les paradis sont patients

Il faut lire (ou relire) Dhôtel: il y a chez lui une attention au réel qui le rend tout à fait inédit, absolument magique. Ce n’est pas de la fantaisie, encore moins de la naïveté, c’est simplement un guide pour regarder autour de nous et percevoir, enfin, le monde tel qu’il est: dans son incroyable réalité. Continuer la lecture de « Lire André Dhôtel »

Hével

« Hével havalim », vanité des vanités.

En hébreu, la racine hbl a le sens d’exhalaison, respiration ténue, souffle, buée, vapeur, émanation, fumée, vent, bulle, bulle d’air et, par symbolisme dérivé, réalité passagère, vaine, de peu ou pas d’importance, …

(Jean L’Hour cité par Jacques Roubaud dans son petit livre intitulé Sous le soleil, qui présente une exégèse et une traduction du Livre de Qohélet, Vanité des Vanités).

Jacques Roubaud cite aussi Pierre Jean Jouve:

Voilà c’est tout
Et l’ourlet de la mer la poussée du feuillage la terrestre fanfare des montagnes
N’ayez pas peur de votre tristesse c’est la mienne
C’est la nôtre c’est la sienne
Ô grandeur
N’ayez pas peur voici la paix la vie la vie est admirable
La vie est vaine
La vie est admirable la vie est admirable elle est vaine

Admirables, ces quelques vers musicaux, qu’il faudrait pouvoir simplement chanter.
Ce n’est pas un hasard si le souffle de l’air y est associé. Le chanteur est dans le « rien », qui est tout.