Le chemin du passé

Le chemin du passé est facile d’accès (n’importe quel souvenir de temps révolus permet d’y entreprendre une excursion), le trajet est rapide et commode (quelques moments de calme suffisent généralement à opérer la transition) et sur place les restrictions de circulation s’avèrent quasiment inexistantes (la mémoire et l’imagination, les plus intimes et inventifs compagnons de route, y veillent systématiquement). Et quel que soit le déroulement du voyage, on peut progresser à un rythme confortable, que l’on explore des sites d’intérêt particulier ou que l’on se rende d’un endroit à une autre, sans tracas ni hâte. Aussi est-il parfois quelque peu déconcertant de retourner brutalement dans le pays du présent, si enclin à la précipitation.

Keith Basso, L’eau se mêle à la boue dans un bassin à ciel ouvert, p. 25

Improvisation

En travaillant avec Martha Rodezno.

Elle nous rappelle « la main » de l’improvisation, à entendre comme les 5 doigts [5 éléments, à nouveau ?] de cette main:

  • le mouvement
  • la respiration
  • le son
  • l’imagination
  • la communication

Tout marche ensemble, et rien n’a lieu véritablement s’il manque un des cinq. C’est l’improvisation du danseur, du chanteur, du musicien, …

Elle utilise cette image intéressante: il ne suffit pas de mettre les ingrédients dans la marmite, il faut aussi du feu sous la marmite, pour que « ça prenne ». En d’autres termes, il est indispensable de générer une action, de donner de l’énergie pour que quelque chose se passe. Le lâcher-prise, oui, mais pas au détriment de l’engagement énergétique, de l’investissement dans l’action. Et cet engagement est corporel, physique. Si l’improvisation a besoin d’une forme de lâcher-prise (ou comment oser …), il ne fonctionne pas dans la pure écoute passive, mais dans cette « réciprocité actuante » où chaque danseur, acteur, musicien improvisateur est actif, à un niveau d’énergie suffisant pour être présent à soi et présent à l’autre.

Et la qualité du rapport à soi, authentiquement – mais comment l’évaluer, comme la mesurer ? – c’est surtout l’engagement, le choix délibéré de ne pas priver l’autre de soi-même.

Voir le monde qui nous entoure

La vie intérieure est souvent stupide. Son égoïsme l’aveugle et la rend sourde; son imagination, fascinée, tisse d’ignorantes fables. Elle se dit que le vent d’ouest souffle sur elle, que les feuilles tombent à ses pieds pour des raisons bien particulières, que tous ont les yeux fixés sur elle. L’esprit risque l’ignorance totale parce qu’il veut parfois, piètre récompense, enrichir l’imagination. Ce que la raison doit faire, c’est forcer l’imagination à voir le monde qui nous entoure – ne serait-ce que de temps à autre.

Annie DILLARD, Une enfance américaine, p.36

L’effet total

Günther ANDERS appelait à un travail d’accroissement de notre faculté d’imagination, pour que nous soit enfin représentable l’effet total de ce à quoi nous collaborons. Car à quelque niveau que ce soit, et surtout aux plus hauts, dont la suractivité est à soi-même sa propre justification, nous sommes trop occupés à nourrir l’état de choses pour avoir même l’idée que réfléchir, et donc peut-être s’arrêter, soit encore possible.1