Une perfection absolue ?

L’interprétation de l’œuvre musicale n’épuise jamais son objet.

Il est remarquable de noter que les plus grands interprètes eux-mêmes reprennent plusieurs fois le même ouvrage, pour en offrir une approche plus aboutie, plus riche, …  Et pourtant, à chaque étape, nous estimons qu’ils touchent à la « perfection absolue ». Comme l’expliquait un jour, dans une émission du matin (Première Édition, F.Culture), Yves Angelo, le réalisateur de « Sur le bout des doigts », cette perfection absolue de l’interprétation musicale fait partie de notre quotidien, elle n’est pas un idéal inaccessible.

Nous, les praticiens, nous sommes dans la perfection absolue quand la musique est en adéquation parfaite avec nos émotions, dans le moment de l’exécution. Vous voyez bien, je pense, de quoi je veux parler. Et cette perfection absolue est reconductible, par un chemin long et parfois difficile, dans une recherche permanente. L’idéal est, en outre, l’adéquation avec la création, non seulement à travers ce que le créateur a lui-même apporté, mais dans l’ouverture et l’enrichissement magistral de l’expérience accumulée de nos vies respectives. Là, il n’y a pas de limites. La marche n’atteint jamais le but mais reste toujours une longue marche d’approche.

Choeur

Vos is main solo antkegn aiere corn  
Qu’est mon solo face à votre chœur

Kalikes, poésie de Itzik Manger, citée par Erri DE LUCA, Tu, mio

Et, pour illustrer ce vers, une rencontre qui évacue tout commentaire…Des musiciens du monde entier jouent – ensemble, grâce à la technique d’enregistrement coordonné, ce magnifique Stand By Me. Regardez, écoutez, c’est superbe ! [merci à Isa qui m’a transmis le lien … with love]

Ecouter en arrière

Et il écoutera en arrière.
Livre d’Isaïe, 42-43.

Dans le travail avec l’ensemble vocal, je cherche à développer la capacité des chanteurs à se rendre disponible à l’instant, « rien que » pour l’accord que l’on fait vibrer. C’est à la fois le don – par le souffle – et l’écoute des autres et de l’équilibre ainsi créé. Sans projet, sans projection, sans objectif. « Rien que » cette disponibilité méditative plutôt que réflexive – celle qui ne génèrerait qu’une écoute inquiète de son propre son.

J’ai rencontré plusieurs fois à Rennes, Gabriel André – il dirige l’école de chant choral de St-Vincent. Je me souviendrai toujours de sa recommandation aux chanteurs : Faites la preuve que vous savez écouter ! (et pas que vous savez chanter, ce qui va de soi, ce dont tout le monde convient…).

Chercher, … créer

Grave incertitude, toutes les fois que l’esprit se sent dépassé par lui-même, quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? Pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n’est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.

Marcel PROUST, La Fugitive