La vapeur du riz

Qi signifie littéralement « souffle », « énergie » (étymologiquement, le caractère désigne la vapeur du riz en train de cuire). Au sens large et profond, il désigne l’élan vital, le dynamisme interne de la création cosmique. La tâche suprême de l’artiste consiste à capter cette énergie dans le macrocosme, et à l’injecter dans le microcosme de son oeuvre. Dans la mesure où il réussit à animer sa peinture de ce souffle universel, son activité même reproduit celle du Créateur cosmique.

Simon LEYS, La forêt en feu

Le calligraphe

Le calligraphe relie le souffle qui l’anime à celui qui anime la substance des signes qu’il trace ; il entre en osmose avec l’essence des choses. En exprimant la vérité des choses, il exprime la sienne. Le pinceau, véritable «sismographe», enregistre le moindre frémissement de sa main, qui traduit ce qui vient de la profondeur de son être, sa véhémence, sa tendresse, sa sensibilité aussi bien charnelle que spirituelle, ses besoins de rectitude comme d’élan, de rigueur comme de grâce. Au plus haut de sa réalisation, il lui sera donné d’intégrer la grande rythmique universelle. La pulsion de l’homme rejoint là la pulsation du monde.

François CHENG et Alain REY, Dialogues, p.16

Ruach

Le mot hébreu Ruach a 4 significations : le sens original est « le vent » ; les sens dérivés : « nullité, vanité » ; « souffle de vie » ; « humeur, colère ». (notons le rapport entre le vent, le souffle et l’émotion).

Ruach est donc à la fois le « bruit de fond », le vent qui précède l’apparition de tout son élaboré, le chaos sonore ; mais aussi le souffle de vie, celui qui crée, et le vecteur de l’émotion primaire. Avec une connotation forte de vacuité, de nullité. Le chant, qui participe de tous ces sens à la fois et émerge du bruit de fond comme le son le plus élaboré, est aussi le vecteur privilégié des émotions. Son espace est intangible et vacant.

François CHENG (Dialogues avec F.Rey, p.32) présente cette vacuité, ce vide dans la tradition chinoise:

Le vide positif est donc à percevoir comme l’espace où se régénère et circule le souffle, le lieu par excellence où s’effectuent les transformations. Ni principe abstrait, ni catégorie vague, le vide est dynamique, intervenant au sein de la vie courante. Pour ce qui est du fonctionnement du souffle lié au vide, on distingue, à la base, trois souffles qui agissent en concomitance : le Yin (douceur réceptive), le Yang (puissance active) et le vide-médian. Ce dernier prend place lorsque le Yin et le Yang sont en présence ; il a le don naturel d’entraîner les deux souffles dans l’interaction, et par là dans le processus de la mutation réciproque. En ce sens, la pensée chinoise est résolument ternaire.

Le souffle est un mouvement circulaire, ininterrompu, qui englobe inspiration et expiration, comme un aller-retour pacifique. Il met le corps en contact avec la terre, comme si le rythme respiratoire du chanteur s’accordait au mouvement des choses et des êtres. L’air est à la fois l’aliment du chant et le vecteur de la vibration , qui est elle-même dans le corps – partie intégrante de son rythme (cardiaque et respiratoire), et à l’extérieur, comme onde vivante, multiple, en perpétuelle évolution.