La cabane

Je songe à la cabane au milieu des vignes dont parle le premier chapitre d’Isaïe. On s’y réfugie, on y est bien parce que tout, alentour, est dévasté. Magnifique et dévasté.

Christophe CARRAUD, in Conférence n° 25, p. 163


(…) Je pense que, plus fondamentalement, la cabane a quelque chose à voir avec le corps mobile et itinérant, avec le corps que nous sommes, la maison avec le corps que nous avons. Certes, les deux sont le même corps, mais perçu différemment. L’un de l’intérieur, le « corps propre » ou corps organique (Leib) comme dit Husserl, l’autre, de l’extérieur, corps-objet (Körper), que je puis saisir comme n’importe quel autre objet. Ce corps que j’ai et que je suis à la fois ou que je suis sur le mode de l’avoir est aussi, d’un certain point de vue, une forme d’abri.

Gilles A.TIBERGHIEN, Notes sur la nature, la cabane et quelques autres choses, p. 41

La réconciliation

Des génocides et guerres civiles.

Pour guérir les blessures des guerres fratricides, des violences de toutes sortes, comme pour prévenir leur résurgence, il est essentiel que l’histoire, que les histoires individuelles soient dites et soient entendues. Le devoir de mémoire est donc aussi un devoir de reconnaissance, avant d’être le devoir du souvenir. Il est important de mesurer la difficulté de cette parole, tant de la part des victimes que de la part des bourreaux. D’un côté parce que les victimes y revivent leur souffrance et de l’autre parce que le silence semble être le seul moyen pour les bourreaux de survivre à leur inhumanité.

Mais pour que la souffrance des uns et des autres soit un jour vivable, elle ne peut pas être oubliée, encore moins niée : il faut qu’elle soit dite et reconnue en tant que souffrance. Des deux côtés, victime ou bourreau, pour leur réconciliation, pour que les peuples fratricides puissent à nouveau vivre ensemble, la parole partagée aura le premier rôle.

Voir aussi Alternatives non violentes, n° 137 (décembre 2005), Les défis de la réconciliation.
Et un article intéressant de Barbara CASSIN, Politiques de la mémoire, in Multitudes n°6, sept.2001

Mémoires indiennes

Le film de Arthur LAMOTHE, Mémoire battante (1992), est un très long document sur ce qui restait de la vie traditionnelle des Indiens Montagnais dans le Nord Québec, à la fin des années 60 et dans le courant des années 70, au moment où il a réalisé ce reportage: la vie dans la réserve, la vie sauvage, la chasse, les pratiques rituelles (la « suerie », …) , l’évocation des rites (la « tente tremblante »), la langue, le vocabulaire extrêmement subtil qui touche à la nature, à la géographie des lieux, aux pratiques rituelles, …

En écho, je me souviens d’avoir vu, il y a quelques années, un autre film canadien: Voyage en mémoires indiennes, de Jo BERANGER (2004). C’est le long parcours du souvenir de l’acculturation violente subie par de nombreux enfants, arrachés à leurs parents, à leur vie, pour être « civilisés » de force dans des écoles animées par des congrégations religieuses.
Voir à ce sujet: les excuses officielles du gouvernement canadien, en 2008, comme condition de réconciliation.

Ce film présente aussi une expérience tout à fait originale d’école reprise et gérée entièrement par une communauté indienne du centre du Canada: le Blue Quills First Nations College. Un modèle (unique ?) de prise en charge de l’éducation des enfants des « peuples premiers », dans le respect de leurs traditions ancestrales. A voir.1

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