Voix qui résonnent

C’est le petit chapitre 33 de J.B. PONTALIS [En marge des nuits, p.77], qui porte ce titre. Il s’ouvre par une citation de Th.Laget: Le silence n’est pas l’absence de voix. Il est au contraire le vide qui permet à toutes de résonner.

Pontalis parle ensuite de ces voix qui résonnent dans nos rêves, dans notre parole quand elle parvient à se délivrer de notre « moi » chéri et consent à s’ouvrir, à s’abandonner à toutes les voix, ignorées le plus souvent ou oubliées, qui sont en nous et ont longtemps attendu avant de se faire entendre. Paradoxe: c’est seulement alors, quand le « moi » n’occupe plus seul la scène, que le « je » parle avec sa propre voix.

Au-delà des propos du psychanalyste, j’y note une précieuse analogie avec le travail musical, l’expression du chanteur.

Lire à haute voix

J’ai noté un jour la leçon de G.STEINER [Errata, p.26] qui explique qu’aucun texte, même difficile, ne résiste à la lecture à haute voix.

Si je n’avais pas compris tel ou tel passage – les choix et les suggestions de mon père étaient à dessein destinés à me passer au-dessus de la tête – je devais lui en faire la lecture à haute voix. Souvent la voix éclaire un texte. Si le malentendu persistait, je devais copier de ma main le fragment en question. Sur quoi, il livrait généralement son filon.

L’injonction de la « copie à la main » éveille aussi cet écho:

Le copiste doit en effet être considéré avant tout comme un lecteur, et même comme l’unique vrai lecteur du texte, puisque la seule lecture qui conduise à une pleine appropriation du texte est l’acte de la copie; le seul moyen de s’approprier un texte consiste à le recopier. C’est pourquoi l’on ne copie pas n’importe quel texte. Et c’est également pourquoi la diffusion de la photocopie (…) s’est avérée constituer le principal obstacle à la lecture, le principal antidote contre la lecture. Avec les photocopies, nous sommes malheureusement devenus de simples lecteurs potentiels: nous savons que nous pourrons lire n’importe quand ce que nous avons reproduit en un instant, de manière fulgurante (…).

Luciano CANFORA, Le copiste comme auteur, in Conférence n°13, p.215 ss

J’ajouterais cependant qu’à l’inverse, un texte mal écrit, creux, inintéressant, ne résiste pas longtemps à la lecture à haute voix, encore moins à la copie.

Notre voix, en propre

Dans l’usage que nous faisons de cette voix qui est la nôtre, il s’agit surtout de ne pas « jouer », mais d’être. Ne pas passer sur le mode déclamatoire ! A l’instar du comédien, c’est notre voix en propre, même si nous la prêtons, à un rôle, à une ligne mélodique. Vivre et montrer les émotions qui nous sont propres. Dans tous les cas, à travers notre voix, l’auditeur reconnaît alors sa propre voix, ses propres émotions, son souffle, ses gestes, alors que, au départ, ni la voix, ni le geste, ni la posture ne lui sont familières, encore moins semblables. Pourtant notre voix, notre souffle, notre geste sont fondamentalement lui-même, son humanité reconnaissable.

Die Verschwundenen

En écho au récit de Mendelsohn, ces "disparus" de Erich Fried. La musique est de Bernard Cavanna: c'est une voix, puis un trio - violon, accordéon, violoncelle. C'est de toute beauté, et d'intensité.

Noch Worte suchen                           chercher encore des mots
Die etwas sagen                                qui disent quelque chose
Wo man die Menschen sucht            là où l'on cherche les gens
Die nichts mehr sagen                      qui ne disent plus rien

Und wirklich noch Worte finden        mais trouver encore des mots
Die etwas sagen können                  qui savent dire quelque chose
Wo man Menschen findet                 là où l'on trouve les gens
Die nichts mehr sagen können         qui ne peuvent plus rien dire

Erich FRIED  (trad. Noëmi Schindler)

Regardez et écoutez la très belle vidéo de Delphine de Blic.

Et pour en savoir plus sur cette talentueuse vidéaste/photographe,..., voyez son site.