Improvisation

En travaillant avec Martha Rodezno.

Elle nous rappelle « la main » de l’improvisation, à entendre comme les 5 doigts [5 éléments, à nouveau ?] de cette main:

  • le mouvement
  • la respiration
  • le son
  • l’imagination
  • la communication

Tout marche ensemble, et rien n’a lieu véritablement s’il manque un des cinq. C’est l’improvisation du danseur, du chanteur, du musicien, …

Elle utilise cette image intéressante: il ne suffit pas de mettre les ingrédients dans la marmite, il faut aussi du feu sous la marmite, pour que « ça prenne ». En d’autres termes, il est indispensable de générer une action, de donner de l’énergie pour que quelque chose se passe. Le lâcher-prise, oui, mais pas au détriment de l’engagement énergétique, de l’investissement dans l’action. Et cet engagement est corporel, physique. Si l’improvisation a besoin d’une forme de lâcher-prise (ou comment oser …), il ne fonctionne pas dans la pure écoute passive, mais dans cette « réciprocité actuante » où chaque danseur, acteur, musicien improvisateur est actif, à un niveau d’énergie suffisant pour être présent à soi et présent à l’autre.

Et la qualité du rapport à soi, authentiquement – mais comment l’évaluer, comme la mesurer ? – c’est surtout l’engagement, le choix délibéré de ne pas priver l’autre de soi-même.

La fraternité

Dans ma vie, je me suis battu pour une égalité, pour une liberté, mais la fraternité ne peut se conquérir. C’est un don, elle vient à l’improviste (…). Elle existe, elle a existé, je l’ai goûtée.

Erri De Luca, Le plus et le moins, p.133

Bel hommage à cette fraternité, si souvent oubliée, laissée pour compte, comme si de facto, elle allait suivre la marche de la liberté et de l’égalité, et qu’il ne fallait donc pas s’en occuper. Dans notre monde en lutte(s), si la fraternité est donnée, je considère qu’elle est première. Liberté et égalité naissent d’elle, elles sont ses filles. Et jamais l’inverse, comme on le pense trop souvent. Toute notre attention, toutes nos forces, tout notre soin iront donc à la fraternité. Aujourd’hui – en 2016 – nous en sommes, hélas, si loin !

La nuit

Que devient cette clarté surnaturelle lorsque l’obscurité et la nuit tombent sur les âmes ? Clic – les étoiles explosent au-dessus du peigne de la montagne. Une, deux, puis d’autres. D’abord les plus dures, les blanches pointues comme des couteaux d’un acier surnaturel, jusqu’aux plus infimes enrobées dans l’obscurité comme les pierres recouvertes de vase dans la rivière.

Que devient cette lumière qui, telle la lampe torche du gardien de nuit, devrait tomber sur les dormeurs, les fourbus, sur ceux qui ne sont plus conscients, enfermer leurs coeurs dans son cercle doré pour qu’ils aient la force de se lever le matin et de tout reprendre depuis le début ? La carte noire de la nuit se déploie au-dessus des horizons. Les pics et le tours ne sont pas suffisamment durs pour les transpercer. Les villages sont des pansements sur la joue de la Terre, les routes des égratignures, les villes une heure après minuit des éruptions de boutons, et trois heures avant l’aube, rien ne présage la résurrection ou le pardon, bien qu’il y ait plus de ciel que de terre. Nuit, nuit, nuit, le forgeron Kruk dans son sommeil raconte une histoire sans fin, aussi longue que la vie de tous les hommes, comme s’il voulait tout confesser, tout, tout ce qu’il a vu ou entendu, confesser toutes ses actions, bonnes, mauvaises ou neutres, puisque la vie est probablement une variété de péché, ça on peut l’oublier le jour, mais la nuit est sans pitié; Lewandowski le sait, Gacek et Edek aussi, tout le monde le sait, quand la raison dort, les actions passées ou futures tombent sur la poitrine de leur poids inexprimable. Le coeur bat à peine, s’immobilise presque, pompe difficilement le sang pétrifié, même la plus petite goutte de clarté ne parvient pas à diluer la matière densifiée de la peur, et la seule chose à faire est d’attendre que la peinture bleu marine de l’aube recouvre les vitres. C’est tout.

Andrzej Stasiuk, Seconde nuit, in Contes de Galicie.

Le processus de création

P1060132Le 22 mai 2015, Fernando Solanas, cinéaste, artiste, était l’invité de Laurent Goumarre dans une émission de France Culture [Le Rendez-vous].

Il parle longuement de la création, du processus de création et du sentiment, rare, de parfois toucher au but. Il dit: À de rares moments, on peut boire un verre de vin avec Dieu.

Je note au vol cette magnifique expression. Belle rencontre.